Roméo et Juliette : De toute éternité
L’Opéra de Montréal propose ces jours-ci une soirée bien longuette avec Roméo et Juliette.
Dans la version que propose l’Opéra de Montréal du Roméo et Juliette de Charles Gounod (sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré), on a coupé le deuxième tableau du quatrième acte. C’est un tableau qui pourrait sembler assez important, puisque c’est celui où l’on assiste à la fausse mort de Juliette, mais la coupure s’est faite sans trop laisser de traces. D’ailleurs, tant qu’à jouer dans l’oeuvre, on aurait pu couper bien davantage!
Parce que même bien interprétée et dirigée par un chef qui la fait sonner de son mieux, la musique de Gounod n’est pas toujours des plus enlevantes, et gagnerait fortement à être resserrée (en coupant dans les trois ou quatre répétitions de phrases chantées, par exemple, qui n’apportent strictement rien au plan dramatique). Les textes à l’opéra sont rarement de petits bijoux de poésie (celui-ci souffre d’ailleurs de quelques problèmes de métrique), c’est pourquoi il est si important qu’ils soient portés par des voix exceptionnelles; les voix ordinaires distillent l’ennui.
Marc Hervieux, en Roméo, n’a pas de problème de ce côté-là; il domine aisément cette production d’une voix puissante, que l’on distingue par-dessus toutes les autres même dans les scènes avec choeur! Mais la soprano états-unienne Maureen O’Flynn a beau avoir chanté récemment le rôle de Juliette au Metropolitan Opera, elle retient moins l’attention, sinon par quelques fausses notes qui surviennent à des moments précisément censés la mettre en valeur. Heureusement, du côté des voix féminines, il y a celle de Sarah Myatt, qui débute à la compagnie dans un petit rôle (Stephano), mais qui contribue par sa présence à relever l’intérêt (elle arrive, à bicyclette, au deuxième tableau du troisième acte, le meilleur moment de la soirée, durant lequel l’action s’ébranle un peu). Chez les hommes, le ténor Antoine Bélanger fait belle figure en Tybalt, tandis que le baryton Alexander Dobson brille moins en Mercutio et que la basse Denis Sedov (frère Laurent) aurait intérêt à retenir un peu ses caverneux trémolos.
La transposition de l’action à la fin de la Deuxième Guerre n’apporte finalement pas grand-chose et on n’aurait pas remarqué la dichotomie fascistes/communistes (Capulet/Montaigu) si le metteur en scène Michael Cavanagh ne nous en avait pas parlé. D’ailleurs, à la vitesse où il se sauve à l’église pour voir le frère Laurent, on pourrait douter des sensibilités communistes de Roméo. Bref, une soirée un peu longue à l’opéra.
Jusqu’au 15 novembre
À la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts
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