Étienne Daho : L'invitation à la pop
Musique

Étienne Daho : L’invitation à la pop

Étienne Daho, élégant maître de la pop française, publie son neuvième album studio, L’invitation, un voyage planant et ensorcelant dans ses obsessions.

La pop moderne, dans ses bons jours, peut se permettre de tout mélanger, ainsi que la conçoit Étienne Daho depuis plus d’un quart de siècle. Une touche de rock, un soupçon de variétés, une louche de chanson française traditionnelle, de l’électro bien dansante avec des cordes classiques. Le mélange des genres, Daho l’a toujours pratiqué, avec un succès public et critique constant. C’est dire si chacune de ses nouvelles parutions est attendue.

À quoi nous invite-t-il cette fois-ci? "Je n’avais aucune idée de départ, raconte le chanteur au bout du fil. Je sentais que j’avais tellement de choses à dire sur ce disque que je ne savais pas par où commencer. J’ai même voulu faire un album de reprises, de Billie Holiday aux Libertines. Je suis quelqu’un qui sort beaucoup; j’aime bien capter ce qui se passe dans la rue ou dans les endroits où j’écoute de la musique pour mettre ça dans la mienne. Mais, là, pour une fois, j’ai fait un disque extrêmement sobre musicalement, qui n’est pas relié à sa période mais à une émotion. Pas du tout un concept sonore."

Daho est un homme fidèle à ses passions, mais l’artiste cherche toujours de nouvelles voies créatives. C’est pour cette raison que dans son oeuvre on retrouve une poignée de noms connus au milieu de gens plus obscurs (dans la chanson française à tout le moins). Sur L’invitation, Édith Fambuena est de retour à la coproduction. Les meilleurs Daho portent sa signature (Paris ailleurs, Corps et armes). Le vieux complice des années 80, Xavier Géronimi, cocompose plusieurs titres. Et on peut savourer de nouveau les cordes de David Sinclair Withaker (Rolling Stones, Gainsbourg) qui font décoller les chansons de Daho vers d’autres sphères. "J’adore ce qu’il apporte dans la musique, comment il arrange les cordes, avec ce côté classique et très flamboyant."

Sans oublier Brigitte Fontaine qui signe les paroles de Toi jamais toujours. En la produisant dans les années 90, Daho avait contribué à remettre la chanteuse sur la carte. Il avait déjà également repris sa chanson Dommage que tu sois mort. Une longue amitié entre eux: "J’avais envie qu’elle collabore à ce disque et qu’elle m’écrive un texte qui s’appellerait Toi jamais, en référence à ce qu’elle a dit à son mari quand ils se sont rencontrés… et ils sont toujours ensemble! C’est un texte poétique et poignant. Il est très proche de ce que j’attendais…; elle a décrit une situation qu’elle ne connaissait pas", dit-il en riant nerveusement.

Poignante décrirait bien une autre chanson de L’invitation: Boulevard des Capucines, où se situe la mythique salle parisienne l’Olympia. Devenu une grande vedette, Daho y passe en 1986. Son père, disparu depuis des années, refait surface: "Il est venu à mon spectacle et a voulu me rencontrer. J’ai refusé. J’ai fait comme j’ai pu, je l’avais très peu connu… Je ne voulais pas qu’il fasse intrusion dans ma vie comme ça." Puis son père meurt sans qu’ils puissent se reparler. Daho découvre par la suite des lettres de son père, jamais reçues. Dont une qui raconte cette soirée à l’Olympia et qui donne cette chanson.

Mais le plus beau morceau du cd est peut-être celui qui le clôture, Cap Falcon. "C’est un village de plages où j’ai passé mon enfance. C’est une chanson très liée au soleil et qui est assez proche d’une autre, Des heures hindoues: cosmique, une espèce de marche alors que le soleil ne s’est pas encore levé…" Avec L’invitation, Daho demeure lumineux.

Étienne Daho
L’invitation
(EMI/Fusion3)

À écouter si vous aimez /
Alain Bashung, Brigitte Fontaine, Marc Déry

ooo

DAHO CV

1957 Naissance en Algérie, puis déménage tôt à Rennes (France).

1982 Premier album, Mythomane (incluant Il ne dira pas).

1984 La notte, la notte, son deuxième 33 tours, contient le méga tube Week-end à Rome. La Dahomania s’installe.

1985-86 Les tubes prolifèrent (Tombé pour la Fance; Épaule tattoo, Duel au soleil). Daho est une idole.

1991 Cinquième album, Paris ailleurs. Daho est en feu et signe une collection de succès populaires et indélébiles: Des attractions désastre; Saudade; Les voyages immobiles; etc.

1996 Suberbe disque électro, Eden, mais le public ne le suit pas.

2000 Son chef-d’oeuvre, Corps et armes (Ouverture; San Antonio de la luna; etc.). Un des plus beaux disques de toute la chanson française.

2003 Réévolution, son huitième album, marque une panne d’inspiration.