Fred et Nicolas Pellerin : La mémoire des choses
Musique

Fred et Nicolas Pellerin : La mémoire des choses

Fred et Nicolas Pellerin, c’est tout simple, et c’est le titre d’un disque. Le conteur et son frère musicien s’unissent pour la mémoire des oubliés.

Nous devons l’admettre, les groupes et les productions de musique traditionnelle se multiplient, trop souvent pour le temps des fêtes et les réveillons. Une idée qui horripile Fred Pellerin, qui constate à regret qu’on associe trop souvent les mêmes chansons à la grosse bière et aux partys de chalet. Lorsqu’ils ont commencé, son frère Nicolas et lui, à discuter de la possibilité de faire un disque ensemble il y a cinq ans, leur idée était claire. Pour les frères Pellerin, il s’agissait d’immortaliser ce qui compose leur vie et leur identité propre. C’est devenu plus tard une façon de faire face à la nostalgie et à la perte d’un être cher.

En parcourant la pochette intérieure du disque, nous ne pouvons que sourire devant le franc-parler qui nous résume sans complexe cet exercice musical. La grand-mère Bernadette et son piano viennent tout de suite meubler notre imaginaire, mais les talents de conteur de l’aîné se limitent à la pochette. S’il nous a habitués à le voir pousser la note avec son spectacle Comme une odeur de muscles, le disque, lui, n’est pas à la croisée des chemins entre les deux disciplines si proches l’une de l’autre.

L’auteur s’est limité à sélectionner des textes avec Nicolas pour se prêter en toute honnêteté au plaisir de les interpréter. "C’est en les soumettant à la SOCAN qu’on s’est rendu compte après coup qu’il y avait un fil conducteur entre ces chansons, constate-t-il. Un peu plus et on appelait l’album De celles qui pleurent. Ces chansons parlent d’amour; de l’amour tragique ou perdu. Il y a quelque chose de noir aussi. Le Cheval de son maître, par exemple, est un texte très dur où le personnage disparaît de manière tragique. On ne voulait pas se contraindre dans une direction prescrite d’avance. Tu écoutes le disque et c’est ce que nous chantons dans la cuisine."

En plus d’être au fait d’une tradition qui s’est transmise de bouche à oreille, le conteur a reçu un cadeau du ciel de la part de m’sieur Léo-Paul Landry. Une boîte remplie de vieux enregistrements sur bobines, captés au courant des années 60 et que Pellerin a numérisés par la suite. 911 chansons au total. "Ça peut paraître très imposant comme catalogue, mais on ne s’est pas lancés là-dedans avec un désir de recherche pour autant. Nous savions ce que nous voulions faire au départ. Mon frère est avec le Bébert Orchestra, il est dans la musique traditionnelle jusqu’au cou. Pour lui, c’était tout naturel de se lancer dans ce projet."

La mémoire est au coeur d’une volonté qui revendique ceux qu’on oublie trop rapidement. Le disque est le projet de deux frères qui sont conscients d’un héritage et qui lui vouent respect. C’est aussi le projet de deux fils dont le père est disparu quelques semaines avant de rentrer en studio. "Son âme était en suspens, présente partout, se rappelle-t-il. Nous étions sous le choc lorsqu’il est décédé. Avec un drame pareil qui survient sans prévenir, le projet a vraiment été remis en question. Nous ne savions pas quoi faire… Est-ce qu’on continuait? Ce gars-là, c’était un chanteur au quotidien, c’était quelque chose. La chanson La Belle Rose, que sa mère chantait très souvent, elle l’a bercé toute sa vie."

Fred et Nicolas Pellerin
(Tempête Disques)

À écouter si vous aimez /
Fred Pellerin, Le Bébert Orchestra, Michel Faubert