Moran : Il joue de la guitare
Musique

Moran : Il joue de la guitare

Moran, en plus d’être un trésor folk de la chanson québécoise, fait l’acteur avec Anna Karina. Entre deux plans, il est au Verre Bouteille le temps d’un spectacle très guitaristique.

Jean-François Moran cumule les prix, mais reste pourtant un trésor caché d’ici. La trentaine passée, il n’a qu’un seul album dans sa besace, Tabac, un précieux recueil de chansons folks, chantées d’une enivrante voix caverneuse. L’Europe le réclame. En plus de se produire, cet hiver, en spectacle de l’autre côté de l’océan, il a obtenu un premier rôle au cinéma dans le prochain film de l’actrice et chanteuse mythique, Anna Karina. Le film s’appelle Victoria et pourrait être prêt à temps pour Cannes l’an prochain. Un road movie, Katerine devait le faire, il n’a pas pu. Moran le remplace. Il y interprètera ses chansons et celles de l’homme en rose.

Il est grand temps que le public québécois le découvre, son cd Tabac cause des fracas de merveille dans le coeur du mélomane attaché aux mots et aux cordes vibrantes de guitare acoustique. Sur scène, c’est le dépouillement même dans un dialogue pour deux six-cordes. Pensez à Bernard Lavilliers qui chante Betty. Moran en a la carrure et le talent pour la ballade.

Pourtant, on a bien failli ne jamais pouvoir entendre cet auteur-compositeur-interprète. Il se dirigeait dans des voies différentes. "Au départ, je voulais être comédien; j’ai fait du théâtre, de l’impro, puis j’ai laissé tomber. Je voulais peut-être aller dans l’écriture. Mais entre-temps, j’ai fait de la menuiserie, de la décoration, du montage. Je suis un petit gars de la campagne, j’ai été bûcheron aussi. Finalement, à 30 ans, j’ai obtenu une guitare… Ce sont mes copains qui se sont cotisés pour m’en payer une. Ils m’ont dit qu’il fallait que j’apprenne à jouer et à chanter, que je fasse mes chansons. J’avais déjà commencé à bizouner par ordinateur, car je n’étais pas assez bon joueur…"

Deux amis du milieu du spectacle font une offre que Moran ne peut refuser: s’installer dans leur sous-sol à Sainte-Julie afin de perfectionner son art. Bouffe et cigarettes incluses. En tête, quelques influences comme Léo Ferré ou Daniel Lanois. "Je n’ai pas appris à jouer de la guitare, mais plutôt à réaliser ce que j’avais en tête. C’est pour ça que ça s’est fait rapidement. À 30 ans, les idées sont plus claires, il y a moins de détours."

Puis ce sera, en 2005, Ma première Place des arts. Qu’il gagne. Les grosses maisons de disques québécoises se bousculent au portillon. Moran choisit une petite boîte: Les disques Consult’art. "Ce sont des gens avec qui j’avais travaillé, qui m’avaient fait confiance en me faisant réaliser l’album d’Angel Forrest. Je suis un gars fidèle et je savais qu’ils allaient respecter ma démarche."

Tabac, l’opus premier de Moran, se montre à la hauteur de nos espérances. Et sur la petite scène intimiste du Verre Bouteille, ça promet de se bonifier encore, si tel embrasement est encore possible.

À voir si vous aimez /
Daniel Lanois, Bernard Lavilliers, Leonard Cohen