Samian : Espoir en réserve
Rappeur autochtone pris sous l’aile de Loco Locass, Samian lance son premier album.
"Eici 8apataman eci nakosian", chante le rappeur algonquin Samian sur Face à soi-même, son premier album. "C’est ma réalité… mon identité", traduit-il en bon québécois.
Samian (traduction algonquine de son prénom Samuel), c’est plus que le jeune protégé de Loco Locass. C’est la voix des bois devenue citadine. Le cri d’un peuple à la recherche de reconnaissance et d’exemples positifs pouvant servir de bouclier contre la bouteille, le sida, la dope et le vidéo-poker qui rongent les autochtones. Un appel à l’union entre deux nations, la sienne et la nôtre, en pleine commission Bouchard-Taylor.
Né en 1983 dans la petite communauté de Pikogan, en Abitibi-Témiscamingue, le métis y vit jusqu’à 12 ans, âge où sa mère lui propose de déménager à Sherbrooke. "Elle voulait nous sortir de là, se souvient-il. Nous faire connaître autre chose que la vie sur la réserve. À Sherbrooke, je restais avec ma grand-mère, mes deux soeurs, ma mère, ma tante, mon oncle. Ç’a été les quatre plus belles années de ma vie. Nous étions unis."
À l’époque, il s’intéresse à la poésie, "le seul moyen de me dévoiler, de réfléchir à qui je suis". Il gagne même un concours auquel l’inscrit sa soeur. Quand vient le moment de présenter le poème primé, il décide de le rapper plutôt que de simplement le lire.
Mais le vent tourne lorsqu’il quitte le nid familial à 16 ans. En vrai nomade, il s’installe à Drummondville, Québec, Gatineau et Montréal avant de revenir à Pikogan, incontournable escale entre chaque municipalité squattée. "J’arrivais dans une ville, je me trouvais un boulot, souvent dans un restaurant où j’étais cuisinier, et je me poussais dès que ça allait mal. Je faisais mon sac à dos, je laissais tous mes meubles là, et je partais sur le pouce."
De retour à Pikogan en 2004, Samian participe au Wapikoni mobile, idée de la cinéaste Manon Barbeau qui se promène de réserve en réserve à la recherche de jeunes artistes autochtones qu’elle filme à l’aide de son studio mobile. Le rappeur y enregistre des vidéoclips et devient vite ambassadeur du projet, voyageant à travers le Québec et l’Europe. Les gars de Loco Locass découvrent ainsi Samian et l’invitent au lancement d’Amour oral en 2004. "Ils m’ont demandé le soir même de rapper sur scène. Leurs musiciens ont improvisé, et j’ai dû faire mes preuves sur-le-champ." Le kid réussit. Peu de temps après, il part en tournée avec les rappeurs souverainistes.
En concert à Rouyn-Noranda en 2006, il rencontre finalement Anodajay qui lancera, sous son étiquette 7e Ciel, Face à soi-même, auquel participent Florent Vollant, Shauit, Anodajay et les Loco (sur La Paix des Braves, futur succès assuré). "Je veux piquer la curiosité des Québécois sans jouer la victime", affirme Samian, aujourd’hui montréalais. "C’est comme le film de Richard Desjardins (Le Peuple invisible, Algonquins du Québec). Il est très bon, bien documenté, mais après l’avoir vu, les gens ont pitié des Premières Nations. La pitié n’a rien de constructif. Je préfère les exemples positifs. Il y a des Algonquins qui deviennent médecins ou avocats. Il faut se servir de leur parcours pour aider les autres."
Il faudra aussi se servir de celui du rappeur, maintenant.
Samian
Face à soi-même
(7e Ciel/DEP)
À écouter si vous aimez /
Loco Locass, Anodajay, Daniel Russo Garrido