Tinariwen : Les rockeurs du désert
Tinariwen a troqué ses armes pour des guitares électriques. Depuis, la formation nomade malienne parcourt le monde et récolte hommages sur hommages.
"Tous les Touaregs se connaissent. Chaque tribu connaît l’autre et son histoire." Eyadu, le solide bassiste de Tinariwen, nous confirme la chose au téléphone, en français, et avec toute son assurance. Ils sont pourtant plus d’un million, ces hommes et femmes du désert, nés dans le Sahara sur des périmètres algériens, nigérians, libyens ou maliens. "Chez nous, c’est Kidal, dans le nord du Mali", poursuit le musicien, visiblement fier de son appartenance à cette communauté si pauvre et persécutée. L’ironie pour cette poignée d’artistes d’ascendance nomade, c’est qu’ils voyagent sans cesse depuis bientôt quatre ans. Non plus d’une dune à l’autre, mais des salles de concert rock aux podiums en plein air à travers tout l’Occident. "C’est une expérience vraiment extraordinaire. Nous sommes confrontés à une quantité d’autres cultures techniquement plus évoluées. Mais cela nous oblige à constater que la nôtre est vraiment très forte."
Vingt-cinq dates en deux mois, en Amérique et en Europe, bouclent une grosse année qui a vu surtout la sortie de leur troisième album, l’âpre et splendide Aman Iman (L’eau c’est la vie), réalisé par un ex-guitariste de Robert Plant. Un opus hypnotique rempli de chansons militantes et du vrai blues de ces "hommes bleus" qui chantent leurs héros et leur nostalgie.
Car ces rockeurs du désert sont d’authentiques rebelles qui se sont battus contre l’armée du Mali pour l’autonomie de leur peuple sur quelques arpents de sable. Le groupe est né en 1983 dans un camp de réfugiés patronné par Khadafi. "On était venus dans les camps en Lybie pour apprendre le maniement des armes et rentrer ensuite chez nous pour défendre notre liberté", explique Eyadu, deuxième génération des Tinariwen, qui parle avec respect des aventures de son leader. "Ibrahim est dans la cinquantaine. C’est lui, le leader, l’inventeur de ce style tishoumaren (musique des sans-emploi). Avant, il fabriquait des bidons dans le désert pour jouer. Finalement, il a négocié son premier vrai instrument. C’était dans le sud de l’Algérie; il a rencontré un groupe régional qui partait pour un festival et qui était en panne de chanteur. Il leur a proposé d’assurer le remplacement en échange uniquement d’une guitare au retour."
Tinariwen en langue tamashek des Touaregs berbères se réfère aux espaces désertiques. "C’est un mot chargé d’une espèce de mélancolie. Il évoque le désert, la solitude; en fait, tous les déserts du monde: le Ténéré et le Sahara mais aussi l’Arizona, partout où il y a des gens qui vivent l’expérience de cet espace et de cette vie de solitude."
Le 21 novembre à 20h
Avec Mamadou Diabate
Au Théâtre Centennial
Voir calendrier World / Reggae
À écouter si vous aimez /
Ali Farka Touré, Nusrat Fateh Ali Khan, John Lee Hooker