Elvis Perkins : Heartbreak hotel
Musique

Elvis Perkins : Heartbreak hotel

Elvis Perkins propose un premier album de folk classieux d’où émane une sorte de tristesse lumineuse. Entretien depuis une chambre d’hôtel.

Il paraît un peu fatigué, l’Elvis, au bout du fil. La voix semble ralentie par un restant de décalage horaire. "Je reviens tout juste d’Europe, où j’ai passé le dernier mois en tournée", confirme le musicien. Or, on soupçonne qu’il y a peut-être plus à cette impression de lassitude généralisée qu’un simple débalancement temporel. Quelque chose de plus profond, comme une fibre mélancolique magnifiée par une histoire personnelle tragique. Le père, Anthony, comédien révélé dans Psycho d’Hitchcock, est décédé en 1992 d’une pneumonie aggravée par sa condition sidatique. La mère, Berry Berenson, photographe et actrice, se trouvait à bord d’un des avions détournés sur le World Trade Center le 11 septembre 2001.

Ce bagage assez lourd, on pourrait sans doute y trouver des clés pour décoder Ash Wednesday, premier album de folk entêtant et solennel, traversé de bout en bout par une mélancolie qui réchauffe le coeur et bardasse l’âme.

Mais on se gardera une petite gêne et, laissant la biographie de côté, on discutera genèse musicale. Il y a de quoi jaser. D’abord, comment est né ce disque intimiste, qu’on dirait enregistré en catimini alors que tout le monde dormait à l’étage? "Deux pièces ont en effet été enregistrées dans ce genre de conditions, répond Elvis Perkins. Ce sont des enregistrements plus anciens, qui ont été faits avant l’album. Et si la majorité du disque a été enregistrée en studio, on a terminé le travail dans la demeure d’un ami équipée des outils nécessaires. De toute évidence, cette ambiance "comme à la maison" a déteint."

Quelques guitares, sèches ou électrifiées, des tambours, un violon, un vibraphone, une trompette: le parc à instruments d’Elvis Perkins est plutôt bien garni. Pourtant, les chansons d’Ash Wednesday sont habillées sobrement. On les imagine bien dans le plus simple appareil. Justement, elles viennent au jour dans la simplicité, explique leur auteur: "Il m’arrive de siffloter certains airs. Je serais du type piano si je passais plus de temps chez moi. Si j’avais un chez-moi, en fait… Mais comme je suis perpétuellement en mouvement dans ce vaste univers, je m’en remets le plus souvent à la guitare."

Sur scène, accompagné de trois comparses, Elvis Perkins dit livrer sa musique avec davantage de mordant. "Il y a un peu plus de débordements live qu’en studio, où tout est bien coussiné et sécuritaire. L’immédiateté des spectacles permet à mes musiciens de se laisser aller. Vous verrez bien…"

Aux 11 titres qui composent Ash Wednesday, le musicien intègre petit à petit les morceaux qui formeront son prochain disque. Si le premier a longuement été mûri, le deuxième devrait émerger assez rapidement. "Ce n’est pas dans ma nature de me presser pour quoi ou qui que ce soit, sinon moi-même, concède Elvis Perkins, et ça me paraît assez étrange d’avoir à soumettre quelque chose de très privé aux règles du marché. N’empêche, la suite devrait voir le jour durant la prochaine année."

Le 29 novembre
Au Cabaret

À écouter si vous aimez /
The Veils, Andrew Bird, The Pernice Brothers