M.I.A. : Accommodement déraisonnable
M.I.A. est déjà de retour après un passage remarqué au Osheaga en septembre dernier. Rencontre avec celle qui dresse un pont coloré entre Occident et Tiers-Monde.
En 2005 une bombe explose dans tous les clubs du monde: Mathangi "Maya" Arulpragasam, Londonienne atypique originaire du Sri Lanka, largue Arular, un premier effort métissant électro, hip-hop, dancehall et baile funk comme si la chose allait de soi. Quelques mois plus tard, M.I.A. enflamme les scènes de la ville à guichets fermés plus souvent qu’autrement avec ce style flamboyant à la fois kitsch et fluo, ces rythmes qui se répandent comme la grippe aviaire.
Mais bien au-delà de cette dégaine mi-déesse indienne et mi-clubbeuse increvable, ce qui saisit, c’est la portée politique du propos de la menue demoiselle aujourd’hui âgée de 30 ans. "Depuis que je suis toute petite, la politique affecte ma vie", dit celle qui a été interdite de séjour aux États-Unis pendant 10 mois en 2006 vu les allégeances de son père à une organisation soeur des Tigres Tamouls, considérée terroriste. Maya se retrouve alors sur la liste noire du U. S. State Department en compagnie de Ben Laden et autres terroristes. "Étant originaire du Sri Lanka, j’ai vite réalisé qu’il faut prendre le contrôle de sa vie, sinon d’autres le font à notre place."
Si Arular (nom de son père) est éminemment politique, sa plus récente galette intitulée Kala (prénom de sa mère) l’est tout autant, mais joue sur une fibre plus personnelle et émotive… Sauf qu’avec M.I.A., le privé est politique. Une chanson comme Jimmy apparaît d’emblée comme un hit cheesy à la sauce Bollywood, mais revêt pour elle une tout autre signification: "Quand j’avais 5-6 ans, pendant la guerre au Sri Lanka, se procurer de la bouffe n’était pas une sinécure. Un jour tu payais deux sous pour un oeuf et le lendemain, 200 $. Donc les gens se sont mis à faire toutes sortes de choses en échange d’un peu de nourriture. Moi, je partais avec mon ghetto blaster sur l’épaule, une guitare en carton et je chantais Jimmy; c’était mon gagne-pain. Ensuite, je pouvais rentrer chez moi."
D’ailleurs, en introduction à cette chanson narrant une rupture amoureuse, Maya nous convie à un tour guidé des génocides. Jamais n’avions-nous été ainsi informés sur le sujet, de la part d’une insider, car M.I.A. voit double, a les yeux d’une Occidentale et ceux d’une habitante du Tiers-Monde. Cela s’entend aussi dans le patchwork sonore qu’elle propose: caquètements de poulets, chants d’enfants du Libéria, rythmes tribaux d’aborigènes australiens, un MC africain, des références à une toune des Pixies (Where is My Mind), des Clash (Straight To Hell) et des Modern Lovers de Jonathan Richman (Roadrunner). Même Timbaland laisse sa trace sur Come Around.
M.I.A. a-t-elle encore foi en l’humain bien qu’il ne cesse de répéter ses erreurs et d’écrire l’Histoire à coups de guerres et de génocides? "Quand j’ai émigré en Angleterre dans les années 80, la première image que j’ai eue de moi via la télé occidentale est celle d’une victime. Si on nous apprend qu’on est victimes, on finit par agir ainsi. Quand la caméra s’allume devant un jeune de 12 ans qui doit témoigner de sa situation difficile pour Live-Aid ou la Croix-Rouge, il sait ce qu’on attend de lui. La minute d’après, fouinant dans les vêtements envoyés par l’aide humanitaire, il se désole de ne pas y trouver une paire de Nike, un laptop, un accès à Internet. Ce jeune-là veut sa page myspace comme tout le monde." M.I.A. est-elle une femme en colère? "Non. Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’ai pensé que je pourrais changer le monde. Maintenant je sais qu’on ne peut porter ce poids seul sur ses épaules et qu’il faut d’abord changer les choses pour soi."
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