À l’aube de l’adolescence, après six ans d’étude du piano classique au Conservatoire, le jeune Michael Kaeshammer découvre le boogie-woogie et ses champions (Albert Ammons, Meade Lux Lewis, Pinetop Smith). Quand on lui demande quel pianiste a eu la plus grande influence sur lui, il répond sans hésiter: le Count Basie des années 30 et 40. "Quand j’étais enfant, mon père avait de vieux films noir et blanc de Basie, évoque le jazzman, nostalgique. C’était la première fois que je voyais un pianiste jouer ce genre de musique et de manière si flamboyante!"
Manifestement, Kaeshammer a de qui tenir sa passion pour le middle jazz; pianiste amateur et bon vivant, son père avait l’habitude de s’installer au piano pendant les partys de famille. "Il jouait Scott Joplin, James P. Johnson et des gens comme ça. Et les gens s’attroupaient autour de lui pour chanter en choeur. J’étais tout petit et je les regardais en me disant qu’un jour, comme lui, je serais l’âme de la fête." Héritée du paternel, la passion pour le jazz amènera le jeune Kaeshammer à fréquenter les foires allemandes d’échange de microsillons, où il se familiarisera avec tous les jazzmen qui marqueront profondément son style (Teddy Wilson, Earl Hines, etc.). "Au fil des ans, à force de m’intéresser à l’histoire du jazz, je me suis plongé dans les univers de Bud Powell, de Thelonious Monk et de mon préféré entre tous, Sonny Clark."
Toutes ces influences sont bien sûr audibles sur Days Like These, amalgame jubilatoire de boogie-woogie, de blues et même de soul et de funk; mais ce cinquième opus en onze ans permet également de découvrir une autre facette du Torontois d’adoption: Kaeshammer reprend certes Willie Dixon, Nina Simone, Peter Tosh, etc., mais il s’affirme aussi comme auteur de chansons. "Plus on se découvre soi-même comme artiste, plus il est difficile d’interpréter les chansons des autres. Ce sont mes chansons originales qui ont dicté la direction générale de ce disque. Pour les reprises, j’ai choisi des chansons qui s’inséraient naturellement dans mon projet mais aussi à travers lesquelles je pouvais exprimer quelque chose de personnel."
Days Like These réunit plusieurs chansons d’amour, dont un bon nombre de chansons tristes; comment expliquer ce pessimisme sentimental chez un si jeune homme? "En fait, j’ai écrit toutes ces paroles alors que j’amorçais une relation amoureuse, il y a deux ans, rigole-t-il. À nos débuts, il y avait tellement d’ajustements à faire dans cette relation que je n’arrivais pas à dormir. J’étais obsédé par l’idée que ça ne marcherait pas entre elle et moi. Et toutes ces chansons sombres sont nées de ma peur de la perdre."
Qu’on ne se méprenne pas pour autant: malgré cette propension à explorer le côté sombre de l’amour, Michael Kaeshammer n’oublie pas le prime directive du jazz, selon Duke Ellington: it don’t mean a thing, if it ain’t got that swing. Et c’est pourquoi pour cette visite à Ottawa, le jazzman a bien l’intention de faire swinguer la capitale.
Le 28 novembre
Au Capital Music Hall
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À écouter si vous aimez / Count Basie, Harry Connick Jr., Jamie Cullum