Gatineau : Tombent les masques
Musique

Gatineau : Tombent les masques

Gatineau a lancé l’album émergent le plus surprenant de l’automne québécois. Un coup de circuit pour la formation hip-hop du champ gauche.

Telle une mine dissimulée sous une route de Kandahar, le premier album complet de Gatineau nous a éclaté au visage sans prévenir, brisant à jamais l’image qu’on se faisait du quatuor. Considéré auparavant comme le véhicule quasi exclusif de son M.C., Séba, Gatineau était un groupe de concert, une formation hip-hop près de Loco Locass. Un jam band théâtral explosif, idéal pour animer une soirée électro drum & bass.

Or, plus rien ne tient. Avec ses 12 centimètres de diamètre, la galette éponyme lancée à la fin octobre a remis les pendules à l’heure. Gatineau s’y est cultivé une identité de groupe, où chaque membre joue un rôle-clé: au service des chansons, Papa Sucré (alias Keük) en établit la structure, DomHameLLL y ajoute une couche de polissage pop, et derrière sa batterie et son masque de loup-garou, Jean-Sébastien Nicol (alias Burne MacPherseünd) y injecte une nerveuse dose de groove.

Assez forte pour s’affranchir des références aux Locass (malgré la voix très "bizienne" de Séba et son aptitude à jongler avec les mots), la personnalité de Gatineau a pris du galon. Plus subtil et surtout plus diversifié musicalement, le combo y est aussi imprévisible qu’efficace, capable de vous balancer du jazz, du rock, de l’électro, du soul et même du gospel.

"On prend un texte de Séba, on se dit: "O.K., on a une toune sur Jésus narrée par un preacher. Qu’est-ce qui pourrait bien coller avec ça?" Ça donne du gospel", explique Papa Sucré en élaborant sur la genèse de The Christ Is Right, une pièce francophone malgré le jeu de mots anglophone. "On a pris des risques. On avait la chienne en maudit en lançant des titres plus jazzy (Rap maudit) ou plus soul (Pawnsheüp). On est catalogué hip-hop, mais on s’en éloigne souvent. Il faut l’assumer."

Si la toile Gatineau s’avère aussi éclectique, c’est que Séba et Papa Sucré conservent quelques réserves face au rap. "On aime le style, mais il nous emmerde profondément s’il reste statique, soutient Séba. Prends Été hit d’Omnikrom, c’est toujours le même pattern. On veut éviter ce genre de chose. On aime changer d’univers, chanter trois couplets différents sur trois beats différents. C’est très cinématographique et littéraire comme approche. Dans ses livres, Kundera multiplie les ruptures de ton. Dans le fond, c’est une forme de zapping."

Cette scission musicale trouve écho dans les textes d’Éric Brousseau (véritable nom de Séba) qui, lorsque ses propos deviennent trop salaces, porte la cagoule et les bobettes de MC BrutaLLL, une manière de se cacher, d’endosser à moitié des phrases comme "On se voit tous les jours et on fourre, mais parle-moi pas d’amour".

"Il y a Séba et il y a MC BrutaLLL: l’intelligent et le fou. Je vis ce dilemme dans ma propre vie remplie d’ups et de downs. La vraie vie d’Éric Brousseau se résume dans des pièces comme Tout l’temps d’quoi et Pawnsheüp. Deux titres témoins des difficultés que j’ai vécues au cours des dernières années (stress, problèmes d’argent, peines d’amour). S’il y a aussi une bonne part de vérité dans les paroles de MC BrutaLLL, mon écriture s’en va vers cette tendance plus personnelle. Je ne sais plus si j’ai encore envie de chanter que je chie dans mes culottes ou que je me fais sucer dans les toilettes des Foufs", lance le rappeur avant de réfléchir et, visiblement conscient de la vulgarité de ses propos, d’exprimer le dégoût par une mimique faciale.

Le 1er décembre avec Black Taboo et Giselle Numba One
Au Cabaret
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À écouter si vous aimez /
Loco Locass, Beastie Boys, Aut’Chose