Marie-Annick Lépine : Déchirée
Musique

Marie-Annick Lépine : Déchirée

Marie-Annick Lépine profitera sans retenue de ses spectacles solos au Côté-Cour, les deux derniers avant de se retirer pour la production du prochain opus des Cowboys Fringants.

C’est à petits pas feutrés qu’elle a arpenté un bout de chemin seule sur la scène musicale québécoise. Ce n’est pas que Marie-Annick Lépine ait eu une quelconque envie de renier la route empruntée avec les Cowboys Fringants – elle parle d’ailleurs de ses comparses avec un enthousiasme qui ne ment pas… Simplement, il y a des sentiers qu’on ne peut qu’emprunter seul, et elle avait bien envie de s’y aventurer.

C’est ainsi qu’après avoir fait la fête un nombre incalculable de fois avec ses quatre acolytes, elle décidait de partager avec nous le plaisir d’un oasis de douceur et d’intimité, quelque part Au bout du rang. Et voilà que naissait son album solo, comme un murmure qui s’échappe entre les lèvres.

Cet univers serein qui se déploie comme un horizon tranquille sur les plages de son CD nécessite une réappropriation du dialogue qui lie la chanteuse à son public. "C’est un spectacle qui est plus calme que ceux des Cowboys. Ce qui m’a déstabilisée un peu, au début, parce que le public est aussi différent, l’ambiance est tout autre… Les gens ne sont pas debout en train de chanter et de crier tout au long du spectacle. C’est un autre univers. Mais c’est tout aussi intéressant: ça me permet de vivre autre chose."

Cette mer d’huile où elle s’aventure n’était toutefois pas sans récifs. Des obstacles qu’elle n’avait pas prévus et qu’il lui a fallu contourner: "Ça fait quasiment 12 ans que je suis avec les Cowboys. Douze ans que j’ai une expérience de la scène où on danse tout le long, où on chante en même temps toutes les chansons… Parce que c’est l’fun, que ça bouge. Mais là, c’est le silence total. Dans tous les concerts, je n’ai pas entendu un mot. Les gens ÉCOUTENT. Évidemment, ça m’a donné un stress de performance. Il ne faut absolument pas que tu te trompes."

Les arrangements feutrés de l’album, toutefois, qui en studio effaçaient légèrement la basse et la batterie, reprennent nécessairement sur scène un côté plus percussif. "Quand tu es live, c’est toujours plus intense qu’un album enregistré en studio. Même pour les Cowboys, quand on arrive en spectacle, ça bouge plus que l’album… Il y a quelque chose sur la scène que tu ne peux pas nécessairement réussir à recréer sur disque."

Ayant une voix particulièrement douce, elle aborde ses chansons avec un ton proche de la confidence, ce qui confère à ses prestations une atmosphère intime et touchante. Marie-Annick a d’ailleurs découvert en Catherine Durand une accompagnatrice hors pair, leurs organes se mariant à ravir. "Je l’ai découverte lors du spectacle de Toutes les filles. J’avais participé à ça pendant la tournée de La Grand-Messe avec Mara Tremblay, Catherine Durand, Catherine Major et Ginette. (…) Nos deux voix avaient quelque chose de similaire. Je ne dirais pas qu’elle chuchote, mais elle a un timbre semblable au mien. Et c’est une artiste merveilleuse, qui est talentueuse comme ça n’a pas de sens." Une alliée qui, selon la chanteuse, mérite une partie des bons commentaires qui affluent par courriel après les spectacles. Particulièrement, leur reprise de La Tête en gigue (originalement de Jim Corcoran et Bertrand Gosselin) a fait bonne figure auprès des spectateurs et des critiques.

LA TOURNÉE ÉPHÉMÈRE

La tournée se termine déjà à Jonquière, au moins pour un moment, après à peine plus d’une vingtaine de représentations. Un album qui n’aura somme toute pas vécu beaucoup sur scène. "Il faut dire que quand j’ai demandé à Catherine, au départ, je montais un show pour trois spectacles… Je ne savais même pas si j’étais pour en avoir d’autres après. Parmi les musiciens, personne n’a eu peur, alors ils ont embarqué. Ça a tellement été l’fun que finalement, ils ont tous accepté de me suivre quand je les ai rappelés." Quelques concerts se sont ainsi dispersés dans le temps, rassemblant toujours la même équipe – Roger Miron (guitare), Jérôme Dupras (basse) et José Major (batterie) – en accompagnement des deux chanteuses multi-instrumentistes.

Si la tournée s’arrête si tôt, c’est que les autres amours de Marie-Annick l’attendent. Déchirée entre son petit trésor rouge, cet album bien à elle attendu depuis si longtemps, et sa bande de Cowboys, elle a dû faire un choix. "Faire les deux en même temps, c’est trop d’ouvrage", admet-elle. "J’ai été tiraillée entre les deux…" Alors elle s’est laissé désirer le temps de quelques concerts, profitant au maximum de cette retraite passagère. "J’ai décidé d’arrêter après Jonquière pour tout l’hiver et le printemps, question de travailler le disque et d’aller en studio. Parce que c’est de la job, faire un album. Je veux me concentrer là-dessus à 100 %", lance-t-elle avec dans la voix un enthousiasme qui ne dément pas son intérêt pour la formation qu’elle n’a jamais désavouée.

Chacun aura d’ailleurs profité de ce sursis à sa façon, Jean-François Pauzé le premier, lui qui signe les trois quarts des textes des Cowboys. "On va juste être plus forts quand on va rembarquer dans le projet", promet Marie-Annick.

Avant cette retraite nécessaire à la création du prochain album de sa joyeuse troupe d’engagés, elle nous a donc réservé ses deux derniers concerts où elle nous chuchotera ses chansons de bout du monde. Ses chansons du bout du rang.

Le 30 novembre et le 1er décembre
Au Café-Théâtre Côté-Cour
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Catherine Durand
Mara Tremblay
Chloé Sainte-Marie