Guide d’achats 2007 – Urbain
TOP 3 – GHISLAIN POIRIER
The Bug – Jah War
+ The Bug – Skeng
Deux solides vinyles pour le britannique The Bug. Son en béton, tension typique au dubstep et remix aussi bons que les originaux. J’attends l’album avec impatience.
Brother Ali
The Undisputed Truth
Rares sont les albums de rap indé qui m’étonnent encore, mais je dois dire que cet album de Brother Ali frappe là où il faut. Textes intelligents, flow puissant, rage contenue et beats musicalement riches.
Oh No
Dr. No’s Experiment
Des beats forgés à partir d’échantillonnage de funk psychédélique turc, libanais, grec et italien. Le tout s’enchaîne comme dans un mixtape.
URBAIN /
Gatineau
Gatineau
(C4/DEP)
Depuis sa fondation en 2004, le groupe rap Gatineau a mûri, corrigé ses lacunes et renforcé sa démarche. Séba a développé une (plusieurs?) personnalité singulière tout en étant aussi habile avec la langue française qu’avec les phrasés mélodiques percutants. Musicalement, DomHameLLL, Jean-Sébastien Nicol et Papa Sucré en sont arrivés à une brillante complicité, une redoutable machine à grooves. La somme de ces efforts se retrouve sur ce surprenant premier album éponyme. Drum’n’bass, jazz, gospel, funk, rock et hip-hop s’y croisent avec inventivité sur des titres comme Pawnseüp, Rap maudit, Pow pow té mort et Dégage! (avec Gisèle Webber). Un disque pertinent de par ses textes, ses grooves, ses mélodies, ses structures musicales complexes et ses recherches sonores. (O. Robillard Laveaux)
Ghislain Poirier
No Ground Under
(Ninja Tune/Outside)
Le Montréalais Ghislain Poirier frappe fort avec ce nouvel effort. Sur ce sixième album, le bidouilleur étale ses goûts, ses influences et ses multiples facettes, alternant de l’abstract hip-hop au dancehall-reggae, en passant par le grime, les rythmes baile funk et banghra ou l’électro plus froide sans perdre l’auditeur. Une seule constance, l’omniprésence des basses. Appuyé par plusieurs invités dont les rappeurs rigolos d’Omnikrom, le chanteur/toaster Face-T de Kulcha Connection, Nik Myo, Zulu, DJ Netik et quelques autres, Ghislain Poirier prouve ici qu’il est un des réalisateur/DJ les plus ingénieux, groovy et polyvalents de la planète club. (P. Baillargeon)
Pole
Steingarten
(Scape)
Après une production franchement moyenne (l’album éponyme sorti en 2003), le Berlinois Stefan Betke réajuste le tir avec cet album qui nous happe dans un tourbillon hypnotique de beats fracturés et superposés. Si autrefois l’exercice de click ‘n cut mis en boucle s’avérait forcé, linéaire et diffus, tout, cette fois, est chaleureux, aéré, lumineux et coule avec aisance. N’ayant rien perdu de son goût pour les bruits étranges, Betke juxtapose des sons distordus pour produire une tapisserie sonore saisissante et groovy aux multiples saveurs. Pigeant allègrement dans les rythmiques dub et reggae, et bénéficiant d’une production souple et d’une mécanique précise, l’opus, à la fois minimal et d’une densité sonore remarquable, redéfinit l’art de l’architecte sonore. Un retour en force. (S. Martel)
Simian Mobile Disco
Attack Decay Sustain Release
(Wichita Recordings)
Disciples de l’équipement analogue, James Ford et James Shaw gavent l’auditeur de beats robotiques et carrés sur ce premier album à la fois "punché" et très raffiné. Plus vocal que Justice, le duo londonien se démarque par la qualité de ses grooves parfois vaguement old school, ses lignes mélodiques simples mais diablement accrocheuses et sa production percutante. Puisant leurs racines à même la genèse de l’électro des années 1980 et 1990 (écoutez l’excellente I Believe, avec Simon Lord), nos cliqueurs de souris s’inscrivent dans cette nouvelle vague dancefloor et signent une collection électro-disco-house chiche, mais sans temps mort et parfaitement ludique. Le disque de party de l’année. (S. Martel)
Kanye West
Graduation
(Roc-A-Fella/Universal)
L’affrontement hip-hop de l’année opposa 50 Cent et Kanye West qui lançaient respectivement Curtis et Graduation le 11 septembre. Moins immédiat que l’album de 50 Cent (et que les précédents opus de West), Graduation ne casse rien à la première écoute. Pas de production coup-de-poing, pas de succès instantané. Mais habilement distillées, les références soul de West adoucissent la facture, en plus de la raffiner. Au fil des écoutes, on finit par succomber à l’énergie de Stronger (adaptation de Harder, Better, Faster, Stronger de Daft Punk) ou à l’atmosphère décontracte mais mordante de Barry Bonds (avec Lil Wayne). Habile et plus inventif. (O. Robillard Laveaux)
M.I.A.
Kala
(XL/Beggars/Select)
Révélée à la planète pop avec l’incendiaire Arular (le prénom de son père, militant des Tigres tamouls) en 2005, la jeune Britannique d’origine sri-lankaise M.I.A. récidive avec Kala (le prénom de sa mère), un autre album tout aussi vindicatif, corrosif… et dansant! Coréalisée en grande partie par Switch et M.I.A., avec quelques collaborations de Diplo – avec qui la tigresse avait déjà travaillé -, cette nouvelle galette confirme le statut de M.I.A. comme une des figures les plus crédibles de l’anti-establishment dans la sphère du showbiz, et une des plus audacieuses aussi. Un peu comme les Slits pour l’attitude rebelle et le refus des compromis, et comme Bow Wow Wow pour le son tribal et le côté nymphette sauvage et incontrôlable, M.I.A. (ou Mathangi Arulpragasam pour les amis) est plus punk que tout ce que vous pouvez qualifier de punk aujourd’hui. (P. Baillargeon)
Bonde Do Role
With Lasers
(Domino/Outside)
Malgré le côté un peu commercial du produit (la pochette du disque, le look des protagonistes), "packagé" pour atteindre un public cible, il y a quelque chose de vraiment sympathique et attachant chez ce groupe brésilien. Ne cherchez pas de rapport avec CSS, un autre combo brésilien à la mode, car Bonde Do Role a beaucoup plus de personnalité. Sa musique, qu’on pourrait qualifier de baile funk poubelle, va piocher autant dans les rythmes et sonorités du pays que dans le vieux hip-hop à Casio, le métal cheesy et l’attitude in your face propre au punk-rock. C’est trash, déglingué et insolent, mais d’une fraîcheur incontestable. Et en plus, c’est presque tout chanté en portugais. On ne comprend rien mais on s’en fout, on danse! (P. Baillargeon)
Socalled
Ghettoblaster
(JDub Records/Sony-BMG)
En matière de métissage musical, le Montréalais Socalled (Josh Dolgin) est unique en son genre. Avec humour et sensibilité, il brouille les pistes des conventions en mêlant hip-hop, soul, funk et musique traditionnelle yiddish pour créer des hymnes réjouissants et disjonctés. Si son travail a davantage d’écho en Europe et aux États-Unis qu’ici même, le vent pourrait bien tourner avec le très accompli (malgré quelques longueurs) Ghettoblaster. Cette oeuvre hétéroclite et riche en textures fut enregistrée en plusieurs lieux (Montréal, Paris, New York, Budapest, etc.) et avec l’appui de plus d’une quarantaine d’artistes dont le tromboniste Fred Wesley, le chanteur yiddish Theodore Bikel et le pianiste Irving Fields. Aux côtés de ces véritables légendes vivantes, notons aussi la présence des Gonzales, Katie Moore, Subtitle et Sans Pression. (C. Risler)
The National Parcs
Timbervision
(Audiogram/Select)
Quatre ans après un dernier album éparpillé sous la houlette de Freeworm (Solar Power), Vincent Letellier sort de son hibernation et livre un compact hybride beaucoup plus homogène, aux inflexions percussives, voire carrément tribales. Poursuivant son exploration des sources sonores naturelles, le multi-instrumentiste s’est entouré de l’artiste visuel Ian Cameron et du rappeur/auteur Chimwemwe Miller et débarque avec une production prenant ses racines dans la musique noire (hip-hop, grime, blues, baile funk) et offrant un contenu à la fois sonore et visuel. Partiellement enregistré en pleine nature et constitué de rythmes fracturés, toujours organiques mais plus syncopés qu’à l’époque Freeworm, Timbervision se veut un métissage aux multiples saveurs. (S. Martel)
Montag
Going Places
(Carpark/Sonic Unyon)
Ce qui est frappant à l’écoute de ce troisième album complet d’Antoine Bédard, alias Montag, c’est la prédominance des voix (enfin, Bédard se décide à chanter) et ce désir d’incorporer des structures pop traditionnelles à ses climats électroniques éthérés aux coins bien arrondis. Une fois de plus masterisé par le Montréalais Sixtoo, Going Places enveloppe l’auditeur dans une nappe sonore encore plus texturée et lumineuse que ses précédentes parutions. Si les collaborateurs sont nombreux (Ghislain Poirier, Amy Millan de Stars, Final Fantasy et Anthony Gonzales de M83, pour ne nommer qu’eux), Bédard parvient à imposer sa griffe sur l’ensemble des morceaux. Même lorsqu’il s’aventure dans les plates-bandes de Dntel ou qu’il flirte avec Broadcast, il prouve qu’il n’a rien perdu de sa dextérité à tisser des ambiances orchestrales et feutrées. Plus accompli que son prédécesseur, Going Places est l’oeuvre d’un artiste allumé assumant pleinement son côté pop. (S. Martel)
Accrophone
J’Thème
(Districk Music/Select)
Accrophone détonne. Le duo hip-hop de Québec ne veut pas devenir riche. Il se fout bien de la dernière mode musicale sur laquelle dansent les jeunes dans les clubs. L’attitude, le ghetto, les armes et le bling-bling n’ont aucune importance pour les M.C. Eman et Claude. Ses émotions, ses valeurs, ses dilemmes, le groupe les exprime par des pièces rap aux rythmes old school teintées de références jazz et funk. Tout aussi efficace par moments calmes que par refrains tempêtes, Accrophone ne cherche à calquer ni sur les Américains, ni sur les Français. J’Thème est authentique et musicalement fort brillant. La parution rap riche, originale et intelligente qu’on attendait, celle qui pourrait servir de standard local pour les années à venir. (O. Robillard Laveaux)
Clipse
Hell Hath No Fury
(Re-Up Gang/Zomba/Universal)
Distingué, tant sur le plan musical que textuel, le deuxième album du duo Clipse arrive dans les bacs après une longue période d’indécision. Propulsé par de puissantes rimes et un propos incisif et cinglant, le compact séduit par l’inventivité de ses beats secs et minimaux. À chaque tournant, on reconnaît la signature du tandem de génie The Neptunes qui offre certains de ses rythmes les plus acérés en carrière. Que ce soit la chorale fantomatique et la cloche obsédante de Keys Open Doors, les percussions de Wamp Wamp, l’accordéon dément de Mamma I’m Sorry ou la harpe de Ride Around Shining, les arrangements du duo recèlent de nombreuses trouvailles. Un univers sans compromis et chargé qu’il faut prendre le temps d’explorer de fond en comble pour en saisir toutes les subtilités. (S. Martel)