Guide d'achats 2007 – World beat
Musique

Guide d’achats 2007 – World beat

Youssou N’Dour
Rokku Mi Rokka
(Nonesuch/WEA)

Il y aura toujours des mauvaises langues pour critiquer un nouvel album de Youssou N’Dour selon qu’il paraît, à la première écoute, trop élaboré ou trop populaire. En tout cas, ce petit dernier, plus encore que les autres, est juste parfait! Tout ici est en plein dans le mille, bien pensé, bien senti, et d’une efficacité admirable. Toujours cette grande voix mais, malgré les moyens de production dont il dispose, N’Dour arrive à préserver son côté foncièrement engagé et sa manière complètement intuitive d’aborder la chanson. Ceci tout en exploitant à sa façon la musique pulaar qui est l’apanage des populations nomades du Nord sénégalais, à l’instar de Baaba Maal. Et puis il retrouve Neneh Cherry pour un autre duo percutant avec ce refrain entêtant: "Wake Up / Good morning / This is Dakkar calling / Youssou est en ligne". Un bon conseil: prenez l’appel! (R. Boncy)

Carlinhos Brown
A Gente Ainda Não Sonhou
(Norte/Sony-BMG)

Artiste total, parfaitement excentrique mais toujours impliqué dans sa communauté, le Bahianais Carlinhos Brown est aussi un incroyable faiseur de pop devant l’Éternel. O Aroma Da Vida est une ouverture magistrale avec ses cordes insensées, et sa chorale céleste sied parfaitement à cet opus inclassable dont le titre signifie "nous n’avons même pas encore rêvé". On retrouve ici toutes les idées, toutes les saveurs, et même – surprise! – une adaptation anglaise de Crendice, son succès de 2001. Les deux autres compères du trio Tribalistas (Marisa Monte et Arnaldo Antunes) passent faire un tour pour des chansons plus tendres. Mais comment résister à l’intro rumba-flamenco de Pedindo Pra Voltar et au refrain reggae-samba de Garoa? (R. Boncy)

Tinariwen
Aman Iman
(World Village/Outside)

Tinariwen, c’est avant tout un groupe de jeunes hommes et femmes qui ont choisi la musique comme manière de combattre, de faire avancer la condition des Touaregs et de dénoncer l’exil auquel ce peuple est contraint. Mais c’est aussi un formidable amalgame de genres, découlant principalement d’un blues du désert, un blues chaud, aride et hypnotique, et porté par des rythmiques et des percussions discrètes aux consonances arabes. On ne peut proprement parler de complaintes ici, tant le groupe préfère insuffler une prestance très droite et une grande dignité à ses compositions, desquelles se dégage une sérénité qui surprend lorsqu’on prend connaissance du parcours et du but que se sont donné ces musiciens. Car même en ayant un message très personnel, c’est tout un chacun qu’ils réussissent à toucher! (J.-F. Dupont)

The Lone Ranger
On The Other Side of Dub Deluxe Edition
(Heartbeat/Rounder)

Cette réédition du classique On The Other Side of Dub, un des meilleurs disques du deejay/toaster The Lone Ranger et le premier qu’il a gravé pour Studio One, est ici agrémentée de trois pièces qu’on ne retrouvait pas sur la version originale de 1977 ainsi que d’un extended mix de Keep On Coming A The Dance – par contre, les chansons Every Thing She Wants et Roots Style, offertes sur la version originale, ainsi que Graveyard Skank, ajoutée à la première réédition de cet album en 1991, ne figurent pas sur ce disque. Au total, neuf titres toastés et huit versions dub complètement remastérisées et prises à la source, directement des bandes stéréo originales. En somme, un excellent album de reggae dancehall/old-school toasté par un des maîtres du genre qui, hélas aujourd’hui, a un peu sombré dans l’oubli. (P. Baillargeon)

Prince Fatty
Survival of the Fattest
(Mr. Bongo Records)

Prince Fatty est un groupe britannique assez flexible mis sur pied par Mike Pelanconi, celui-là même qui était derrière la table de mixage pour l’album Alright Still de Lily Allen. Un disque "hommage" au reggae-dub bien gras des années 70, avec de la basse pesante, des effets en masse et, ce qui manque parfois aux albums de dub, du rythme! Style Scott, qu’on a vu derrière la batterie pour les Roots Radics, Dub Syndicate ou encore Prince Far-I, est en partie responsable de tenir l’ensemble, de l’empêcher de devenir trop "space" et mou. Little Roy (qui a déjà chanté pour Prince Buster, Jackie Mittoo et Lee "Scratch" Perry), Winston Francis (qui a autrefois collaboré avec Marley, Dennis Brown et Bob Andy, entre autres) et la nouvelle choriste des Slits, Hollie Cook, prêtent leur voix sur certaines pièces de cet album qui devrait ravir les amateurs de reggae-dub old-school. (P. Baillargeon)

Andy Palacio & The Garifuna Collective
Watina
(Cumbancha)

J’aime la musique des Garifunas. Et Andy Palacio, l’homme du punta rock, est, en quelque sorte, le champion de cette peuplade afro-amérindienne esseulée dans le petit territoire du Bélize au coeur de l’Amérique centrale. Enregistrée dans une cabane au bord de la plage près du village de Sandy Beach par un réalisateur inspiré, Ivan Duran, la musique plaintive et accrocheuse de ce Garifuna Collective évite les clichés pour rassembler deux générations de troubadours qui représentent cette culture et ce dialecte menacés de disparition. Ça peut ressembler à du mento ou du reggae mais la musique soul et roots de Watina a son identité propre. On y entend parfois de la clave sans que ça sonne afro-cubain non plus. Bref, c’est un blues au sud du Yucatan qui vient vous chercher au niveau du ventre. Comme une photo couleur pastel d’un tiers-monde oublié. (R. Boncy)

Forro In The Dark
Bonfires of São João
(Nublu Records/Fusion3)

La première pièce vous expulse littéralement de votre chaise, et le reste vous garde debout durant 50 minutes. Le forro, c’est une musique traditionnelle qui fait danser les Brésiliens, mais elle est jouée ici par des New-Yorkais dont certains sont des potes de Tom Waits (Smokey Hormel à la basse et aux guitares) et dont le leader, Mauro Refosco, est percussionniste au sein de Lounge Lizards de John Lurie. Ça colore un style. Et le groupe a invité du beau monde à tenir le micro: David Byrne, qui chante sur deux pièces comme un gaucho qui se prendrait pour Johnny Cash, Miho Hatori (de Cibo Matto) ou la très authentique Bebel Gilberto. Pour chasser le blues hivernal, ça ne peut pas nuire. (R. Beaucage)

Intakto
Todavia
(Justin Time/Fusion3)

Cinq ans après un premier essai inattendu et une série de spectacles qui le révélait au public, Intakto présente son nouvel opus. Entre l’excellent Todavia et une reprise exaltante de Adios Nonino de Piazzola, le duo (enrichi de sept musiciens) expose en 14 titres sa vision personnelle des musiques sud-américaines. À partir d’une rencontre due au hasard, l’auteur-compositeur Alejandro Venegas et le violoniste Simon Claude ont imaginé un univers particulier, mariant poésie espagnole (celle de Venegas et de Manuel Aranguiz) et tango, milonga et autres rythmes latins. Le résultat est tout aussi concluant que l’album précédent, tant du côté des chansons que pour les thèmes instrumentaux. Une réussite. (G. Tremblay)