Tiger Lillies : Noël noir
Musique

Tiger Lillies : Noël noir

Les Tiger Lillies viennent présenter leurs chansons scabreuses dans le spectacle A Suicide for Christmas. Oreilles chastes, s’abstenir.

Vous rêvez d’un Noël blanc, d’un sapin majestueux, d’un joli feu de foyer crépitant doucement alors qu’en sourdine la radio diffuse les classiques du temps des Fêtes? Si c’est le cas, passez à l’autre page car ce qui suit pourrait sérieusement vous déstabiliser. Par contre, si cette période de l’année vous rend encore plus déprimé que d’habitude, un petit tour dans le monde glauque des Tiger Lillies ne devrait certainement pas vous faire de tort.

Formé à Londres en 1989, le trio se spécialise dans le sordide et le mauvais goût douteux. Inspiré par l’esthétisme du cabaret brechtien, le groupe-culte est à mi-chemin entre le burlesque et le grotesque. Un coup d’oeil aux titres de ses nombreux albums (plus de 20!) ou de ses chansons révèle très bien de quoi se nourrit la bande, et particulièrement son leader et chanteur à la voix de castrat Martyn Jacques: Ad Nauseam, The Brothel to the Cemetery, Farmyard Filth, Bad Blood and Blasphemy et Urine Palace n’en sont que quelques jolis exemples. "Je ne manque pas d’inspiration. Le sexe tordu, la violence, la dépravation et la décadence sont des sujets omniprésents dans notre culture et très faciles à exploiter. Ça me permet d’écrire plus facilement car je laisse libre cours à mon imagination, je ne m’impose aucune limite, aucune censure", précise Martyn Jacques de sa chambre d’hôtel aux Pays-Bas où le trio vient de donner une série de concerts et où il devrait enregistrer un énième album. "On peut dire que je suis un bourreau de travail… Bien entendu, la misère humaine, la perversion et les travers de notre société sont une source intarissable d’inspiration!"

Maquillés, costumés, entourés de toutes sortes d’instruments farfelus, les trois prolifiques musiciens transposent de façon théâtrale leur univers sur scène, devenant volontairement outranciers mais toujours avec une pointe d’humour et de dérision en filigrane. Cela dit, les Tiger Lillies seraient-ils le dernier groupe vraiment subversif, les derniers provocateurs, bien plus que Marilyn Manson ou tous les autres groupes de métal extrême? Qui, en cette ère de rectitude politique, ose se mettre dans la peau d’un pédophile, d’un zoophile, d’un maniaque sexuel, d’un prêtre pervers, d’une prostituée moche et polytoxicomane, d’un tueur; qui a le culot de se moquer du suicide, de la religion, de la misère des gens et, d’une façon assez comique, de sublimer tout ça en chantant joyeusement sur des airs d’Europe de l’Est, de jazz, de folk ou de musique de cirque patraque? "Il n’est pas rare que certaines personnes nous prennent vraiment au sérieux, fait remarquer le chanteur. Juste ce soir, des gens ont quitté la salle en maugréant et se sont arrêtés devant notre table de marchandise pour engueuler le type qui y travaillait, lui disant que c’était dégueulasse de chanter des choses comme ça. Je n’arrive pas à croire que des gens pensent que j’aime sérieusement baiser avec des chèvres ou décapiter des bébés. Tous ces bien-pensants, toute cette rectitude politique me font peur. L’humour, même bien noir comme le nôtre, est une soupape, une façon de faire sortir le trop-plein de pression. C’est tout à fait normal et légitime qu’on s’inspire de choses dégueulasses. Tu n’as qu’à faire un tour sur Internet et en un clic, tu as droit à toutes les perversions imaginables. Alors il est où le problème? Je crois que les gens qui voient du mal dans ce qu’on fait, qui prennent tout au premier degré, sont les plus dangereux."

Le 16 décembre
À l’Usine C
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À écouter si vous aimez /
The Residents, The Dresden Dolls, Tom Waits