The East Village Opera Company : Des classiques qui montrent les dents
L’opéra est loin d’être un genre moribond, et la East Village Opera Company entend bien nous en convaincre.
Rock-opéra? Opéra-rock? Classiques électrifiés? Allez savoir… S’il n’en tenait qu’à Tyley Ross, cofondateur et chanteur de la East Village Opera Company, c’est tout simplement sous la rubrique "unclassifiable" qu’on devrait la cataloguer dans les bases de données. Mais le principal intéressé ne déteste pas en discuter, et c’est avec un enthousiasme évident qu’il parle de la musique de cette compagnie d’opéra peu commune. Nous le joignons de retour d’une première tournée européenne, et en plein processus d’enregistrement, peu de temps avant la venue de l’ensemble à Sherbrooke.
Basée à New York, mais fondée par deux expatriés canadiens, Tyler Ross et le directeur musical Peter Kiesewalter, la East Village Opera Company (EVOC) n’offre probablement pas ce que vous imaginez d’une soirée à l’opéra. Son nom évoque d’ailleurs un quartier autrefois mal famé de l’île de Manhattan.
Dans son opéra, on fréquente Bizet ou Puccini en jeans et t-shirt, et les guitares, synthés et batterie côtoient les cordes sur scène. Il faut dire que le monde de la musique classique a connu quelques mutations ces dernières années, et que les excentricités vestimentaires et les bariolages façon mohawk du violoniste Nigel Kennedy n’étonnent plus grand monde. Il est plus facile d’imaginer aujourd’hui qu’il y a 20 ans une relecture à saveur moyen-orientale et dansante de La donna è mobile du Rigoletto de Verdi, ou encore un air du Carmen de Bizet avec des guitares rugissantes.
Utilisant volontiers la dérision pour décrire sa formation comme des "nerds du rock jouant de l’opéra", Ross n’hésite pas non plus à endosser l’étiquette de cover band. "C’est simplement que les pièces que nous interprétons sont toutefois vieilles d’une centaine d’années ou plus. C’est une musique qui a traversé les générations et nous voyons à nos spectacles autant de gens plus âgés qu’un public dans la vingtaine. Nous avons dans notre groupe des gens qui ont une formation classique, et d’autres, comme l’éblouissante chanteuse AnnMarie Milazzo, qui sont complètement autodidactes."
"Cela peut vous paraître étrange, mais nous n’essayons pas de rendre l’opéra plus accessible. Nous n’essayons pas non plus d’éduquer le public ou de sauver l’opéra. C’est quelque chose de beaucoup plus égoïste que nous faisons en tant que groupe. Nous adorons tous cette musique et nous avons un profond respect pour elle, mais il est peut-être temps de la décoincer un peu. Et surtout, nous espérons que le public passe un bon moment à notre spectacle."
À ce sujet, on est autorisé à penser que la EVOC y réussit, puisqu’elle n’a guère cessé de tourner depuis la parution de son premier véritable album chez Decca il y a un peu plus de deux ans, ce qui a retardé légèrement le processus d’enregistrement de son successeur. Si Ross est réticent à divulguer tout de suite ce qui sera au menu de ce deuxième opus, il laisse toutefois filtrer que nous pourrons y entendre du Haendel, du Wagner, et encore du Puccini. Il y a fort à parier que quelques-unes de ces nouveautés seront au programme de l’escale sherbrookoise.
Les membres de la East Village Opera Company n’ont pas la langue dans leur poche et ne craignent pas d’écailler la patine de respectabilité déposée par le temps sur les grands airs d’opéra. Il faut les entendre se gausser de l’air Au fond du temple saint qu’on retrouvait dans Les Pêcheurs de perles de Bizet, soulignant que le texte est stupide ("silly"), mais que la musique est excellente et que cet air est encore l’un des plus populaires du répertoire de l’opéra. "Nous n’hésitons pas à embrasser tous les clichés, toute la pompe du rock, tout comme celle de l’opéra, mais il ne faut pas perdre de vue que l’opéra n’était pas un genre tranquille au 19e siècle. Les opéras suscitaient parfois des réactions passionnées et certains compositeurs furent même hués lors de leurs premières."
Alors que l’entrevue tire à sa fin, on ne peut se retenir d’évoquer la comparaison avec le groupe Queen de la période A Night at the Opera. "Plusieurs spectateurs m’en ont fait la remarque mais, vous n’allez pas me croire, je n’ai jamais écouté cet album."
Le 17 janvier à 20h
Au Théâtre Centennial
À écouter si vous aimez /
L’opéra
A Night at the Opera de Queen
Vivaldi: The Meeting de Lorenzo Arruga et Dave Lombardo