Ghislain Poirier : Maître bidouilleur
Musique

Ghislain Poirier : Maître bidouilleur

C’est au Petit Chicago que Ghislain Poirier, le roi des basses fréquences, élira domicile lors de son passage dans nos hameaux.

Ceux qui l’ont vu au Zaphod’s en février 2007 se rappelleront certainement l’effet physique des beats conçus par le Montréalais. Armé d’une technologie minimale mais parfaitement maîtrisée, il fait passer l’inspiration avant le médium: "Les idées ne sont pas dans les plugins. On a beau avoir juste des ciseaux, du papier et du papier collant, c’est suffisant pour faire de grands collages."

Passionné et touche-à-tout, Ghislain Poirier connaît bien le travail de terrain. On peut même dire qu’il y excelle depuis ses débuts comme DJ à la radio de l’Université de Montréal en 1995. "Composer de la musique, ça représente peut-être 10 ou 15 % de mon temps, même pas. Les shows, le voyagement, les courriels, c’est quelque chose qui me plaît. Il y a beaucoup d’investissements de ma part qui ne sont peut-être pas dans la définition de tâches d’un musicien", admet celui qui associe d’abord son succès à une curiosité insatiable.

Qualifiée à l’origine d’électronique minimale, sa musique s’est transformée au rythme des soirées. "Je n’ai pas peur de me "challenger" moi-même, ni de "challenger" les gens qui vont m’écouter. Pis je pense que je le fais à chaque album", affirme avec aplomb un homme qu’on imagine mal au repos, même si c’est le seul souhait qu’il énonce pour l’année entamée. Car si son travail acharné a payé jusqu’à maintenant, l’avenir s’annonce encore plus riche. M. Poirier détient peut-être un record en ce qui concerne les collaborations. Il juxtapose ses pistes aux mélodies d’artistes de tout acabit sans toutefois renoncer à son autonomie: "Si à la base je fais de la musique comme je le fais, c’est que j’avais le goût de créer seul. Quand j’ai réalisé que je pouvais réaliser un album seul, pour moi ça a été très attrayant comme possibilité. La seule exception est ma collaboration actuelle avec mon batteur, Christian Olsen. C’est très enrichissant. Je ne serais pas surpris qu’on fasse des chansons pour un EP ou quelque chose du genre ensemble." Une relation qui ne prend actuellement forme que sur la scène.

C’est le duo, plus Face-T de Kulcha Connection, l’interprète de Blazin, qui mettra le feu aux poudres au Petit Chicago pour le plus grand plaisir des amateurs de "gros beats sales". "Je trouve ça vraiment important d’aller voir le public en dehors de Québec et Montréal. Au début, il y a des plus gros points d’interrogation dans leurs yeux, mais ils se dissipent pendant le show. À la fin, c’est toujours un gros party. J’ai autant de plaisir devant 20, 200 ou 2000 personnes."

On pourra également découvrir Maître J, du groupe NulSiDécouvert, en première partie de Poirier. Ce maître en philo risque de surprendre autant les amateurs de hip-hop que de chanson puisqu’il mélange les deux avec brio, humour et un accent du "terrrroir" sur son premier EP intitulé L’Apprentissage de Maître J. (P. Alarie)

Le 26 janvier avec Christian Olsen et Face-T
(Maître J en première partie)
Au Petit Chicago
Voir calendrier Électronica

À écouter si vous aimez / Diplo, DJ Rupture, Omnikrom

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GROS BOUNCE

Le bidouilleur Ghislain Poirier faisait un gros bounce en avant l’automne dernier en lançant son nouvel album No Ground Under. Le Montréalais n’a plus vraiment besoin de présentation, surtout pour tous ceux et celles qui aiment se trémousser sur des beats bien gras et des basses pesantes. Polyvalent et prolifique, le réalisateur a remixé des artistes aussi différents que Pierre Lapointe, Champion, le groupe britpop The Editors, la rappeuse Lady Sovereign, les Georges Leningrad, We Are Wolves (qui lui ont rendu la pareille), Buck 65 et Pole, en plus de faire paraître cinq albums depuis 2001 ainsi qu’une poignée d’EP et de 12 pouces. Connu – dans un certain milieu – à travers le monde, Ghislain Poirier s’est retrouvé sur plusieurs compilations et mixtapes et a plusieurs fois été invité à propager ses beats un peu partout en Europe, aux États-Unis, au Canada et même en Australie…

Ça, c’est un résumé de sa feuille de route jusqu’à présent car avec la sortie de son sixième effort, le premier sous étiquette Ninja Tune, gageons que Ghislain Poirier va être encore plus en demande. "Je l’espère bien", rigole l’artiste joint en octobre dernier peu de temps après la sortie de l’album. "C’est pour moi très encourageant de me retrouver au sein de l’écurie Ninja Tune, un label qui a un réseau bien établi et une solide infrastructure. Par contre, le contrat ne couvre que l’Amérique du Nord mais ça va faire jaser à l’étranger."

Album incluant de nombreuses collaborations, dont deux avec Face-T de Kulcha Connection et une avec Omnikrom, No Ground Under est un disque typique du parcours atypique de Ghislain Poirier, en ce sens qu’il présente là à la fois ses aspects très dancefloor et son côté plus expérimental. "Je suis plutôt fier des collaborations. J’aime bien amener certains rappeurs ou chanteurs à sortir de leur contexte initial, à se mettre un peu en danger… et ça marche! Maintenant, si j’ai choisi ce titre, No Ground Under, c’est que j’ai voulu faire un petit clin d’oeil au terme "underground", une catégorisation souvent utilisée pour décrire ma musique. En mettant le mot à l’envers, il a du coup une autre portée. J’ai opté pour ce titre aussi parce qu’il y a une collusion de styles, de langues et d’accents sur cet album", explique celui qui a longtemps pensé à utiliser un alias mais qui a finalement choisi de garder son nom tel quel, peu importe la nature de ses différents projets. "Il y a des artistes qui préfèrent changer de nom à chacun de leurs projets, de peur d’aliéner leur public. Moi je m’en crisse, je fais de la musique, point. Ce n’est pas nécessairement à moi de rejoindre le public mais plutôt à lui de le faire. Les peintres et les écrivains changent-ils de nom chaque fois qu’ils créent quelque chose? Mais bon, c’est vrai que Ghislain Poirier, ça fait plus chansonnier que DJ!" (P. Baillargeon)