Akuma : Poing levé
Akuma nous ramène à la belle époque du punk, une ère moins mercantile où la contestation était au centre du mouvement.
Question de couper les intermédiaires entre son oeuvre et le public, le plus récent disque d’Akuma, Des cendres et du désespoir, est disponible uniquement sur le Web, en concert et dans une poignée de disquaires indépendants. Avec ses rythmes agressifs et ses textes assassins, le compact nous rappelle la précarité du mouvement punk francophone sauvagement conscientisé.
Pas compliqué de s’entretenir avec le chanteur et guitariste du groupe, l’ex-Banlieue Rouge Safwan. Il passe 80 heures par semaine dans son studio de tatouage Imago situé sur la rue Prince-Arthur, entre deux restaurants grecs, qu’il ne quitte que pour voyager à travers différents congrès de tatou (Londres, Calgary, Milan) et pour monter sur scène avec Akuma.
Loquace, le musicien excelle dans les réflexions punk subversives: "Je ne crois pas en l’exercice démocratique. Je le vois comme un leurre. Pour avoir une vraie démocratie, les gens doivent être informés, leur vote ne doit pas être manipulé et le mode de scrutin doit être transparent. Trois conditions qu’on ne retrouve pas aux États-Unis. Plusieurs anomalies ont été décelées lors des deux dernières élections remportées par Bush. Et les gens ne réagissent même pas."
Appelant au militantisme, au réveil du peuple et à tout geste qui sortirait l’homme du moule, Safwan ne mâche pas ses mots. Interrogé sur ce qu’il souhaiterait voir de son vivant, il répondra la dissolution de l’Empire américain. "J’ai lu l’essai Après l’empire d’Emmanuel Todd. Les États-Unis se comportent comme les vieux empires sur le déclin. Ils sont absolument dépendants de la planète et c’est pourquoi ils veulent son contrôle. J’ai voyagé beaucoup grâce au tatouage et je peux t’assurer que l’Asie n’en a rien à foutre, des États-Unis, et sa puissance ne cesse de grandir."
Transposée en musique, cette soif de changement se traduit par des guitares acérées, des rythmes pesants et des mélodies chantées d’un ton rogue. Influencé par la scène punk hardcore des Dead Kennedys et par les brûlots incendiaires de Bérurier Noir, Safwan est demeuré intègre depuis la fondation de Banlieue Rouge en 1989.
Presque 20 ans plus tard, le courant punk a considérablement changé. L’industrie l’a récupéré pour l’aseptiser de toute révolte et le rendre commercialement viable à coup de Simple Plan, d’Avril Lavigne et de Sum 41. "Disons qu’Akuma se sent plus isolé qu’avant. Pas que la scène punk n’existe plus, mais son essence n’est plus la même. Elle est moins absolutiste, moins idéaliste, moins authentique. L’industrie a écarté des éléments comme la subversion et le sentiment de danger au profit de l’apparence. Le tape-à-l’oeil, c’est vendeur. La terreur, non. Le punk est devenu une belle auto, mais sans conducteur."
Le 2 février
Aux Foufounes Électriques
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Dead Kennedys, Bérurier Noir, Black Flag