Monsieur Mono : Petite apocalypse

Monsieur Mono émerge des profondeurs marines. Il remonte à la surface, désigne la terre ferme à son amie la pieuvre et se jette, guitare à la main, dans un arbre aussi pétulant qu’un feu de grève alimenté de mille bûches. Cette métaphore, illustrée par une bande dessinée de Simon Bossé, on la retrouve à l’intérieur de la pochette de Petite Musique de pluie. "Monsieur Mono, c’est moi tout seul, avec moi-même, dans mon salon", explique Éric Goulet qui, pour ce deuxième disque solo, met Les Chiens en hiatus et enfile le manteau de Mono, doux pelage noirci de tristesse.

Successeur de Pleurer la mer morte, un disque au succès d’estime que le compositeur ne prévoyait même pas commercialiser, Petite Musique de pluie coule de la même source. Même registre épuré, même mélancolie murmurée. Or, cette fois endossé par l’importante étiquette Audiogram, Éric aurait pu se permettre une facture plus élevée. Il en avait les moyens, mais pas le désir. Même si on remarque une plus grande présence de boîte à rythmes, de synthétiseurs planants et de violons baroques, le compact a tout d’une oeuvre produite avec les moyens du bord.

"J’ai définitivement eu plus de ressources pour ce deuxième disque, mais je ne voulais pas que ça paraisse, explique-t-il. Pleurer la mer morte a été enregistré avec un huit pistes. J’aimais sa simplicité, son côté bricolé. Cette fois, j’avais un ordinateur et un programme me permettant un nombre illimité de pistes, mais je ne voulais pas partir en fou, beurrer pour rien. Je souhaitais conserver le côté intimiste, le son Monsieur Mono."

Composées à temps perdu entre des séjours en Europe, la production du quatrième album des Chiens et l’enregistrement des disques de Vincent Vallières, WD-40, Camionnette et Alex Champigny (tous réalisés par Éric Goulet), les pièces de Petite Musique de pluie ont mis trois ans à naître. "J’accumulais les idées. Une fois de temps en temps, j’ouvrais mon ordi pour faire l’inventaire. J’ajoutais une idée de texte. J’essayais des trucs. Une fois arrivé à quatre ou cinq chansons, je me suis rendu compte que j’avais un noyau d’album. C’est là que le vrai travail a commencé, que j’ai forcé l’écriture."

Qualifié de disque le plus triste au monde par certains journalistes, Pleurer la mer morte était l’exorcisme d’une déchirure amoureuse. Or, à l’inverse, Éric file le parfait bonheur avec sa compagne depuis maintenant trois ans. Une situation positive qui imprègne les deux premières pièces du compact: Dors, mon amour, dors présente une facette rarement vue chez l’auteur, l’amoureux protecteur, tandis que Souveraine Souterraine fait l’apologie d’une union en santé. Ce n’est qu’au troisième titre que tout bascule. Ton coeur est plus noir que le mien entraîne alors Goulet sur une pente abrupte. Une descente aux enfers à laquelle participe Ariane Moffatt (Comme en temps de guerre) et marquée par L’Espace d’une fille, une reprise de Jacques Dutronc.

Véridiques ou non, ses textes frappent droit au coeur et misent sur une poésie bien tournée conférant un caractère universel et apocalyptique aux petites musiques. "Les textes restent près de moi, c’est clair. Ce disque rassemble plusieurs vignettes de ma vie quotidienne qui donnent l’impression de former un tout. Ce sont les quelques chicanes avec ma blonde qui m’inspirent. Je prends une tristesse, qui dure peut-être 30 minutes en réalité, et je la transforme en fin du monde. J’ai une vision optimiste de l’amour, mais lorsqu’une situation problématique se présente, j’ai tendance à envisager tous les scénarios, du meilleur au pire. Et pour écrire une bonne chanson, t’es mieux de te concentrer sur le pire."

Monsieur Mono
Petite Musique de pluie
(Audiogram/Select)
En magasin le 12 février

À écouter si vous aimez /
Mara Tremblay, Les Chiens, Will Oldham