Yoav : L’homme et sa gratte
Quand il avait 8 ans, les parents de Yoav lui interdisaient d’écouter de la musique pop. À 28 ans, le citoyen du monde lance son premier album… pop.
Pourquoi se contenter de gratter les cordes d’une guitare acoustique quand on peut frapper l’instrument, le frotter, pincer ses fils métalliques et chanter dans sa caisse de résonance? Beau défi que s’est donné Yoav: enregistrer son premier album, Charmed & Strange, en extirpant toutes les sonorités possibles de sa six-cordes. En résulte un album pop que l’on pourrait facilement croire bidouillé à partir d’une quincaillerie électronique. Pas mal pour un musicien à qui on a interdit d’écouter de la pop.
C’était à la fin des années 80. Né en Israël tout comme son père, mais vite déménagé en Afrique du Sud, pays natal de sa mère, le jeune Yoav devait se rendre chez ses voisins pour écouter les airs pop de l’époque. "Ceux de Tears For Fears", se souvient notamment le principal intéressé. "C’est mon père qui était très strict. Il aimait la musique classique et ne voulait pas que la pop vienne polluer l’atmosphère de la maison. Il sentait que j’avais du talent et voulait que je devienne pianiste classique, mais ça ne m’attirait pas. J’ai même commencé à jouer de la guitare en cachette. Lorsqu’il a découvert mon attirance pour l’instrument, je me débrouillais déjà très bien. Il a dû se résigner. Je n’étais pas fait pour le piano."
À l’adolescence, Yoav découvre le rock de Rage Against the Machine, de The Cure et Nirvana. Il déménage ensuite à Londres dans le but de se rapprocher d’une scène musicale plus vivante. À la fin des années 90, il traverse l’océan pour établir ses pénates à New York. Il se met alors au diapason de la musique électronique et hip-hop. Le déclic se produit un après-midi en plein Central Park. "J’étais sur les champignons magiques, avoue-t-il. Dans le but de reproduire des rythmes club, trip-hop et techno, je me suis mis à frapper sur le caisson de ma guitare acoustique. J’essayais même de faire sonner mes cordes comme les scratchs d’un D.J."
De retour à Londres, Yoav avoue avoir une relation particulière avec sa gratte. "Je crois qu’elle a une âme. Avec le temps, mon style de jeu lui est rentré dans le corps, elle est pleine d’égratignures et de craques. Je redoute le jour où je devrai la changer. Plus jeune, la guitare m’a aidé à passer à travers mes années d’écolier. Je n’avais pas beaucoup d’amis et j’écrivais de la poésie plutôt noire. Elle m’a permis de transposer mes textes en musique. Elle est devenue ma meilleure amie."
Cet amour platonique se matérialise sur Charmed & Strange. Dans un mélange organique, le folk, le rock, l’électro et le hip-hop servent la mélancolie véhiculée par la voix accrocheuse de Yoav. Le musicien passe même ses messages, comme dans Adore Adore, où il dénonce la vacuité de plusieurs vedettes pop. "Beaucoup de musiciens sont guidés par une recherche de célébrité. Ils sont prêts à beaucoup de compromis pour y arriver, ce qui vide leur musique de toute personnalité. J’ai composé la pièce en regardant un gala à MTV, où l’on récompensait justement ce genre d’artistes. La chaîne n’a pas toujours centré sa programmation sur la pop à numéros, mais aujourd’hui, je l’ai rebaptisée Empty V."
Le 5 mars
Au Cabaret du Musée Juste pour rire
Voir calendrier Rock/Pop
À écouter si vous aimez /
Jack Johnson, Jeff Buckley, Nick Drake