Chocolat : Chocolat olé
La formation montréalaise Chocolat s’éloigne de ses racines rock garage avec un Piano élégant.
À l’écoute de la pièce-titre qui ouvre le premier album de Chocolat, on se dit (ou plutôt je me suis dit): "Oh non! Pas un autre Tricot Machine!" À cette réflexion, Jimmy Hunt rigole franchement. "Oui, je vois ce que tu veux dire. C’est à cause du xylophone hein? Tu as dû remarquer qu’on n’en a pas mis partout. Juste un peu, comme les cordes et les autres petits arrangements aussi". En effet, bien que Chocolat partage la même étiquette que le populaire duo, sa musique et ses paroles ("T’aurais dû barrer la porte de ton appartement la nuit dernière. Je suis rentré dedans, j’ai pissé sur le divan… Le joli cul de ton nouvel amant, j’ai mis mon doigt dedans…" – Ton appartement) n’ont rien à voir avec Passe-Partout! Cette façon qu’a Jimmy Hunt de chanter, ce phrasé un peu nonchalant nous ramène direct au vieux Charlebois, au vieux Dylan et à la country-folk. "Ce sont des références incontournables, tout comme le Paul Butterfield Blues Band, Johnny Cash, les Yardbirds ou les Pretty Things", admet sans hésitation le chanteur et guitariste de la formation qui compte aussi dans ses rangs le bassiste Ysaël Pépin (ex-Demons Claws), le batteur Guillaume Éthier (aussi de Plaza Musique), le pianiste-claviériste Martin Chouinard ainsi que le guitariste Dale MacDonald.
Piano élégant est un disque déroutant pour qui était habitué au rock garage rétro un peu sale qu’on retrouvait sur le mini-album éponyme de Chocolat ou lors des concerts, surtout quand le groupe était bien imbibé. "Les guitares ont changé; elles sont devenues plus limpides à force de jouer ensemble. Dans la dernière année, on a appris à placer nos instruments, à mieux les maîtriser et à ne pas se piler dessus, contrairement à nos débuts. Il y a aussi que la musique qui m’intéresse depuis quelque temps est moins ancrée dans le style garage et la distorsion. Ça fait un moment que je voulais faire ce genre de musique. C’est venu assez naturellement, avec des ballades un peu plus inspirées de la chanson française mais américanisées un brin. À la base, des chansons comme Piano élégant, Albertine ou Jean Ferrat ont été composées avec une petite guitare classique, en référence directe avec la chanson française de la fin des années 60."
Oui, vous avez bien lu, Jean Ferrat… En connaissez-vous beaucoup des groupes issus du rock garage qui citent ce monstre de la chanson française (ou Juliette Gréco sur Comme un chien)? Voilà où Chocolat détonne, voilà où il devient un groupe à part, un des rares à sortir des sentiers trop souvent battus. "En effet, c’est assez inusité, ça détonne avec la culture du rock québécois. Je voulais un peu mélanger la chanson française avec le rock plus américain. Pour la musique, j’ai laissé le band filer mais pour les paroles, je cherchais quelque chose de plus poétique, de plus imagé", soutient Jimmy Hunt qui a longtemps mené sa barque seul, en one-man band, avant de former Chocolat il n’y a guère plus d’un an et demi. "Je me suis aussi beaucoup inspiré de la littérature, entre autres celle de (Witold) Gombrovitch, l’auteur polonais qui écrit des livres weird, comme La Pornographie et Cosmos. J’étais pas mal là-dedans l’été dernier. Ses thèmes de prédilection sont l’innocence et l’enfance qui demeure dans l’adulte ou l’adulte qui abuse de l’innocence. Tout ça revient subtilement au cours du disque, comme le rapport amoureux avec le sexe opposé, un rapport qui peut paraître sweet au premier degré, mais qui cache en dessous quelque chose de coupant et d’inquiétant!"
Chocolat
Piano élégant
(Grosse Boîte/Outside)
En magasin le 18 mars
À écouter si vous aimez /
Le vieux Charlebois, le vieux Dylan, le vieux Hugues Aufray