Kaïn : Pop culture
Kaïn s’apprête à nouveau à fouler les planches gatinoises afin de faire saigner les chansons de l’album Les saisons s’tassent, un troisième effort nettement plus musclé.
La foule gronde. Elle attend l’arrivée d’un des groupes les plus populaires de l’heure au Québec. Kaïn, maître dans l’art de fédérer les publics: enfants, ados, jeunes adultes, et même de très vieux. Les quatre gars originaires de Drummondville sont des artistes comme on les apprécie ici depuis toujours: simples, chaleureux, qui ne se prennent pas trop au sérieux. Le mot-clef pour comprendre Kaïn, c’est "sincérité". Les membres s’en réclament, tant dans leurs chansons que dans la vie. Oui, mais est-ce que faire les choses sincèrement donne inévitablement du talent? Loin s’en faut. Mais les chiffres sont là. On s’arrache leurs disques dans toute la province. Plus de 200 000 galettes des deux premiers opus (Pop culture et Nulle part ailleurs), et 65 000 du récent Les saisons s’tassent, trois mois après sa sortie.
PIZZA ET PLAISIR
Devant une bière et de la pizza, le chanteur Steve Veilleux et le bassiste Éric Maheu évoquent les débuts de la formation, composée aussi de Yannick Blanchette et Patrick Lemieux. Veilleux raconte: "À la base, Yannick le batteur et moi, on est de Drummondville. C’est là qu’on s’est rencontrés et qu’on a fondé Kaïn en 99. Patrick, le guitariste, était venu à Drummond’ étudier la musique au cégep. On a commencé à jouer sans jamais s’arrêter. Plus tard, on a rencontré Éric. Il y avait à l’époque un assez grand bassin d’artistes mais pas tellement de scènes pour jouer." Éric enchaîne: "Il y a une école de musique, mais les gens ont appris que ce n’est pas vraiment là que ta carrière va commencer. Kaïn et d’autres bands ont prouvé qu’on peut réussir sans la théorie, sans un professeur qui te dit de faire ci ou ça."
Malgré des allures improvisées, sans plan de jeu, Kaïn avait en tête des désirs bien clairs en formant le groupe: "Le plaisir a toujours été la fonction première de notre band, dit Veilleux. Mais le but était aussi de vivre de notre musique, d’y mettre l’acharnement et notre rêve en commun. Le premier disque, Pop culture, on l’a produit nous-mêmes. Il a été repris deux ans plus tard par notre compagnie de disques actuelle, Passeport. J’ignorais donc si ça allait marcher pour Kaïn, mais je savais que j’allais passer ma vie à faire de la musique. Les quatre ou cinq premières années, c’est ce rêve qui nous a tenus ensemble, car c’était dur de faire des shows. Jouer sur scène, c’est le but principal, c’est ce qui nous allume le plus, c’est là qu’on est le plus vivant, le plus vrai. Là où les préjugés ont toujours tombé, c’est sur scène."
Les influences des membres partent un peu dans toutes les directions. Éric avoue: "J’écoutais plus volontiers du prog, tout ce qui était British, Peter Gabriel, etc. Et Steve m’a amené la balance: faire de la musique pour faire vibrer le monde et non impressionner la galerie. Pat avait un petit côté technique, Yan avait un background métal. Les gens du métal sont souvent plus vrais, plus peace. Nos influences se complétaient bien. On a senti une bonne vibe entre nous. Et même si notre band paraît commercial, on n’est pas souvent allés putasser à la télé. Nos albums se sont vendus un par un sur le terrain, en faisant des spectacles, en rencontrant le monde. On a fait le tour du Québec 10 fois."
LA VÉRITÉ VRAIE
La sincérité, les choses vraies, voilà les seuls mots à la bouche de Kaïn. Chanter des chansons simples, pour aller droit au coeur des gens, qu’importent les générations. Dans le créneau, on pense à Vincent Vallières qui y réussit à merveille aussi. Et on remarquera le style vestimentaire assez commun tant chez Vallières que chez Kaïn: jeans, t-shirt et, s’il fait froid, une belle chemise à carreaux. Pierre Lapointe en ferait sans doute la moue. Où est passée l’élégance? Kaïn ne semble guère s’en soucier. Il faut encore une fois écouter la chanson Jusqu’au ciel, décidément un manifeste pour son auteur, primordiale pour comprendre sa démarche: "Le jet set pis toute la patente, c’est le royaume des apparences / Moi j’veux pas sauver l’monde j’veux juste qui danse / (…) Ma musique c’est mon pays libre, c’est mon jouet, c’pas une mine d’or / Pas besoin d’votre accord sur ma guitare".
Alors, va pour la vérité, le désir de se placer parmi "le vrai monde" plutôt que de s’inscrire en marge de la vie, ce qui est souvent le lot des artistes. Mais pourquoi avoir choisi le nom d’un personnage de l’histoire des religions comme nom de groupe, plutôt qu’un truc plus simple, plus prosaïque? Le chanteur tente de répondre: "Au début du band, on faisait quelque chose de beaucoup plus abrasif, électrique. On voulait trouver un nom qui représenterait notre génération. Kaïn, c’est le mauvais fils d’Adam et Ève qui tue son frère par jalousie, par besoin d’attention, blablabla. C’est le même qui a été présent dans notre génération avec les reality shows, tout le monde voulant devenir des vedettes. Comme on n’avait pas l’intention de faire des chansons pour parler de ça, on a pris ce nom par amusement."
Ne serait-ce que par sa popularité, on serait tenté de rapprocher Kaïn des Cowboys Fringants. Du charisme. Le don de drainer les foules, de leur faire chanter en choeur des chansons qui sont surtout riches d’émotions, au ton familier. Comme des lettres amicales. Les dernières compositions de Kaïn sont fredonnées sur des musiques plus rock, une tangente que le groupe espère pousser plus loin sur les scènes de la tournée. La foule gronde et attend sa dose de pop culture.
[Première partie: Marie-Luce Béland]
Le 29 mars à 20h
À la salle Odyssée
Voir calendrier Rock/Pop
À écouter si vous aimez / Les Cowboys Fringants, Vincent Vallières, Vilain Pingouin