Monsieur Mono : Moment de tendresse
Musique

Monsieur Mono : Moment de tendresse

Monsieur Mono est de retour. Éric Goulet se glisse de nouveau dans la peau de ce personnage qui saigne le coeur pour lui donner vie.

Éric Goulet se retrouve chez lui visualisant son prochain spectacle et le répertoire qui comblera cet exercice. Non pas avec Les Chiens, mais avec Monsieur Mono, un alter ego qui a mis à l’avant-scène l’artiste qui, auparavant, figurait uniquement en tête d’un groupe rock aguerri. Au cours des dernières années, la dichotomie s’est opérée et il s’est habitué à cette nouvelle dualité à la suite de la parution de Pleurer la mer morte, son premier disque.

C’est maintenant Petite Musique de pluie qu’il présente. Le chanteur nous avoue être en train de réaliser une fusion de ses deux opus, agrémentée de certaines pièces des Chiens, pour la scène. Un exercice incontournable qu’il semble accomplir dans la tranquillité et avec le souci du détail. "C’est toujours excitant de repartir à zéro avec quelque chose de nouveau."

En compagnie de Guillaume Chartrain à la basse et de Patrick Gosselin au clavier et à la pedal steel, "l’homme solitaire" se présentera sur scène armé de ses chansons introspectives et dépouillées. Un exercice qui favorise une proximité inhabituelle avec le public. "C’est la toute première fois que ça m’a frappé, se souvient-il. Au départ, ce n’était pas supposé devenir un show. Les chansons de Pleurer la mer morte étaient composées et j’avais tout simplement inscrit quatre dates au café Esperanza à Montréal. Quatre dimanches dans une place qui peut accueillir 100 personnes. Sans publicité ni rien… C’était plein à craquer! Je me rappelle avoir été mal à l’aise en me présentant en face de tout le monde. Les gens sont proches de toi et ils t’écoutent avec une attention particulière. C’était déstabilisant. Ça correspond à un vieil adage: plus c’est personnel et plus c’est universel."

DE LA MER À LA PLUIE

Le nouvel album s’ouvre avec un clavier qui se distingue d’entre tous. Un son modulé qui introduit Dors, mon amour, dors et qui prend toute la place sur la pièce instrumentale Tableau. "Au départ j’avais l’intention de tout faire à partir d’un Jupiter 4, [ndlr: clavier Roland des années 80], juste ça… Il faut croire que j’avais du temps à perdre!" Un comportement typique du musicien mélomane, qui se laisse aller à ses coups de foudre sonores. "Le premier disque, c’était ça, continue-t-il. Je venais de m’acheter un banjo et j’avais une pedal steel sur laquelle je jouais continuellement. C’était un trip. Tout ça avait déterminé un son très folk pour l’album. Un son acoustique et très organique. Pour ce disque-ci, il fallait que je pousse un peu plus loin."

La composition, elle, semble revêtir une importance fondamentale. En solitaire, Éric Goulet échafaude ses miniatures musicales sans pour autant se plonger la tête dans un nuage noir. "C’est au piano, chez moi, que tout se fait. D’une pièce à une autre, la maquette virtuelle prend forme. Il m’avait fallu deux ans pour accumuler les pièces de Pleurer la mer morte. C’est une petite fondation qui se forme et sur laquelle je travaille de mon côté."

LES TIROIRS

Avec l’amour en guise d’épicentre, nous pourrions facilement imaginer l’artiste en train de revêtir la cape noire du Monsieur en question. Pourtant, celui qui a déjà été qualifié "d’anthropologue du coeur humain" ne cultive pas le mystère sur cet univers introspectif et lucide. "Non, je ne serais pas capable de penser à ça et d’écrire en fonction d’un personnage, affirme-t-il. L’écriture, c’est comme le dernier droit. Les idées viennent et c’est à moi de les introduire dans un contexte idéal. Le choix des mots et la forme doivent correspondre au son d’ensemble."

Les tiroirs encore remplis d’idées et d’ébauches inachevées, il demeure attentif au caractère homogène que requiert l’esthétique de ce projet qui s’est forgé avec le temps un auditoire fidèle. "Autant je puise à la source, autant j’élabore de nouvelles avenues; c’est comme une valse à deux temps. Je traîne beaucoup d’affaires dans mes tiroirs. Ce qui m’importe, c’est de respecter le noyau qui se forge au fur et à mesure que les chansons s’accumulent. La reprise de Jacques Dutronc – L’Espace d’une fille -, c’est une vieille histoire. Ça m’avait pris un an de recherches pour la trouver après l’avoir entendue dans un bar par hasard. Nous l’avions arrangée pour Les Chiens mais nous n’arrivions pas à l’inclure dans le répertoire. Je suis resté avec pendant un certain temps avant de lui trouver une place sur cet album."

LE MEILLEUR AMI DE L’HOMME

Récemment assigné à la réalisation de l’anthologie de son groupe Les Chiens, une aventure post-Possession Simple qu’il partage depuis 10 ans avec le bassiste Nicolas Jouannaut et Marc Chartrain à la batterie, Éric Goulet vit bien avec ses multiples chapeaux professionnels. "Mon côté schizophrène est enfin résolu. Nous avons coupé le bébé en deux, si je puis dire. Je suis bien habillé avec le groupe et mis à nu avec Mono. Pour l’instant, le groupe est dans une sorte de pause parce que je vais me concentrer un peu plus sur Monsieur Mono cette année, mais il n’y a pas de break et le groupe continue d’exister."

En ce qui a trait aux discours diamétralement opposés des deux projets, le chanteur relativise quelque peu l’étiquette "rock engagé" souvent associée à la formation. "Je ne pense pas que nous ayons jamais été engagés, pense-t-il. Peut-être que nous exprimons une forme de liberté qui peut se confondre avec l’engagement. Pour l’écriture, c’est différent parce que je parle pour l’ensemble et je m’identifie à tous les membres du groupe. C’est donc moins personnel."

Bien assis sur plus de 20 ans de carrière accumulés et maintenant un réalisateur confirmé (Yann Perreau, Vincent Vallières, Alexandre Champigny), l’artiste de nature indépendante a eu le temps de jeter un oeil en arrière lors de la fête que lui ont réservée certains de ses confrères il y a deux ans. "Oui, on fait l’exercice. Une chose est sûre, je ne retournerais pas en arrière. Disons que ce furent des années bien senties, avec leurs hauts et leurs bas. Je n’ai pas de regrets… D’une certaine façon, toutes ces années ont contribué à ce que je suis aujourd’hui. À l’époque, nous nous sommes débrouillés par nous-mêmes en faisant tout, sans compagnie pour nous contrôler. C’est sûr que l’expérience rentre dans le corps assez vite après ça."

Le 22 mars à 22h
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