François Bourassa : Boubou jazz
Avec Rasstones, François Bourassa atteint l’équilibre entre l’instinct et l’acuité d’esprit. Un exercice au diapason de l’avant-garde.
Dès les premières pièces qui ouvrent cet album, un septième disque pour le pianiste après Indefinite Time, on constate toute la finesse et la précision des arrangements du compositeur. La cellule rythmique est solidifiée autour de Guy Boisvert à la contrebasse et Greg Ritchie à la batterie. Le piano est au coeur de cette pierre angulaire, un jeu complexe et fluide à la fois. André Leroux, au saxophone et à la flûte, complète ce quatuor et s’applique à une lecture virtuose des divers thèmes qui y sont développés, avec toute la confiance que peut procurer une telle fondation musicale.
L’exercice pourrait sembler très technique et intellectuel tant le compositeur de Montréal, récipiendaire du prix Oscar-Peterson cet été, emprunte une direction musicale inusitée, où le lyrique est occulté par ces mouvements sonores en mutation, d’où exulte une improvisation sur le fil du rasoir. "Tu trouves?" s’interroge-t-il, surpris de ce constat. "En studio avec le casque d’écoute sur la tête, on ne sait plus. On a l’impression de se freiner un peu sur l’improvisation. Il y a toujours trop de technique et de contraintes qui entourent un enregistrement et… Disons que ce n’est pas le grand confort. C’est en spectacle qu’on est capables de s’amuser et d’exploiter cette dimension."
Avec ce souci de l’esthétique, qui n’a rien de pompeux, nous pourrions imaginer les musiciens isolés dans un studio pour quelques mois, tentant d’assimiler avec soin ce répertoire abouti. Un exercice qui irait à l’encontre des habitudes du quatuor, qui n’a pris que deux journées pour passer au travers de ce corpus de huit pièces. "Tout s’est passé très vite, c’est vrai, admet-il. Au départ, j’avais 10 compositions que nous voulions faire dans un ordre déterminé. Il a fallu se rendre à l’évidence qu’il en manquerait deux. Nous n’avions plus de temps pour les deux autres."
Les titres trahissent un sens de l’autodérision qui ne fait pas défaut au musicien. La pièce-titre de l’album indique aussi un intérêt pour la relecture. Un exercice de style que s’impose Bourassa en s’adonnant à la citation musicale pour faire clin d’oeil à certaines inspirations. "Les titres! On s’amuse beaucoup avec ça, il y a toujours une touche d’humour au travers, explique-t-il. Rass, c’est un surnom qui me suit depuis longtemps, à cause de Bourassa. Rasstones, c’est pour la pièce Milestones de Miles Davis. Cette composition transpose les mêmes structures rythmiques que l’originale et se développe dans ce cadre. C’en est directement inspiré, une forme d’hommage en quelque sorte."
Dans le cadre du Festival Jazz & Blues Héritage
Le 28 mars
Au Côté-Cour
À écouter si vous aimez /
McCoy Tyner, Miles Davis, Brad Mehldau