Joe Jackson : La voie du samouraï
Après les trames sonores cinématographiques et les aventures symphoniques, Joe Jackson revient à la simplicité sur Rain, un nouvel album en trio qu’il défend sur scène à travers le monde.
Pour ceux qui suivent sa carrière depuis le temps où il chantait avec sarcasme son étonnement de voir les plus belles filles se promener aux bras de gorilles dans sa rue (Is She Really Going Out With Him?), le retour de Joe Jackson dans la Métropole a de quoi enthousiasmer. D’autant plus que l’auteur de Look Sharp et I’m the Man ne s’était pas produit à Montréal depuis… Même lui ne se souvient plus de l’année de son dernier passage ici. "Il faut blâmer mes agents et les promoteurs, ironise-t-il. J’ai beaucoup tourné aux États-Unis ces dernières années, souvent sans passer par le Canada. On va se racheter."
Sur la route depuis plus d’un mois, Joe Jackson me parle depuis Tel Aviv, où il chantait la veille. Fidèle à sa réputation et à l’image de son oeuvre, le chanteur et pianiste est clair et précis, discrètement enthousiaste et un brin pince-sans-rire, notamment quand j’aborde sa vie de globe-trotter. "J’ai déménagé à Berlin il y a un peu plus d’un an, mais je ne me suis pas encore installé, avec l’enregistrement du disque, la tournée et tout ça." Insistant sur la nuance entre choisir Berlin, qu’il adore, et vivre en Allemagne, Jackson s’empresse d’ajouter: "Au fond, l’endroit où je vis n’a aucune importance pour mon écriture. Ça se passe toujours entre mon piano et moi. Beaucoup de gens me demandent si ce disque est influencé par Berlin et je dois avouer que non, pas du tout. Bien sûr, ma vie est influencée par Berlin, mais ça ne va pas plus loin."
Enregistré aux côtés de ses vieux compères retrouvés, Graham Maby à la basse et Douglas Houghton à la batterie (en somme, de la formation originale, il ne manque que le guitariste Gary Sanford), Rain apparaît quasiment comme une cure de jouvence pour celui qui affirme être devenu chanteur par pure nécessité. "C’est vraiment et essentiellement le fun de rejouer ensemble. Et sans la moindre nostalgie; le reunion album, on l’a déjà fait (le Volume 4)!" Le chanteur qui autrefois proclamait son adolescence éternelle (Nineteen Forever) appartient, avec Elvis Costello, à cette génération de songwriters qui prit d’assaut la scène pop britannique encore sonnée par les uppercuts assénés par le mouvement punk. Sans une once de complaisance, sans souci pour les ventes de disques qu’on dit déclinantes, Joe Jackson se montre très critique de ses propres débuts. "Oh, les musiques tiennent encore la route, mais mes textes étaient vraiment lamentables. Je crois que je suis devenu un bien meilleur parolier avec le temps."
Cette tournée mondiale ("My world tour, yeah!" raille-t-il et j’imagine sa grimace amusée) se poursuit jusqu’à l’été, avec sensiblement le même programme. "Dans nos concerts, on maintient l’équilibre entre les chansons connues de mon répertoire et les nouvelles, qu’on jouait déjà longtemps avant la sortie de l’album." Quand je lui fais remarquer que l’habitude de casser les nouvelles chansons devant public avant de les figer sur disque n’est plus aussi usitée qu’autrefois en musique pop, Jackson répond sans ambages: "C’est pourtant mieux ainsi. Quand on arrive en studio après, les chansons sont meilleures, le jeu est plus libre et, surtout, on les enregistre plus vite, sans perdre de temps parce qu’on les maîtrise."
Et quant à savoir quelles sont ses attentes à l’égard du public montréalais, majoritairement francophone, Jackson avoue candidement n’en nourrir aucune. "J’ai toujours suivi la voie du samouraï: n’attendre rien, mais être prêt à tout." Very sharp, Mister Jackson.
Le 2 avril
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Elvis Costello, Nick Lowe, Sting