Lara au Festival Jazz & Blues Héritage : Tous les horizons
Musique

Lara au Festival Jazz & Blues Héritage : Tous les horizons

Le travail de Lara Hurni est à l’image de la programmation du Festival Jazz & Blues Héritage: une variété rare pour que chacun puisse s’y reconnaître. Tous les horizons, sans compromis.

Son travail fait d’elle la plus belle allégorie de la métropole qu’il nous aura été donné de voir sur une scène de la région. Sur des airs métissés qui soufflent autant du jazz que des rythmes du monde, Lara met en chanson une foisonnante diversité. "Je pense que la richesse est là-dedans, autant humainement que culturellement, explique-t-elle. Les échanges culturels, c’est toujours super riche. On peut pousser un peu plus loin dans notre propre culture en s’armant de ces choses qui ne nous appartiennent pas au début, mais qu’on s’approprie petit à petit." Rien à voir avec la tendance mièvre à tolérer des accommodements dits raisonnables…

C’est ce désir d’un rapprochement quasi sans réserve qui aura permis d’engranger sur son premier album, Kabaret Montréal, une palette particulièrement large de styles musicaux, concentrant en un album ce que la métropole a de plus beau. S’y côtoient des textes en français, en italien, en espagnol, même une chanson traditionnelle serbo-croate.

C’est d’ailleurs dans un café bosniaque de Montréal qu’elle s’est d’abord familiarisée avec l’univers de la chanson. Comédienne de formation, elle jouait ses fins de mois derrière le comptoir du Café Sarajevo: "Des fois on pense qu’on est doué pour quelque chose et on bifurque vers autre chose. Ça ne veut pas dire que c’est une erreur. Ça me sert d’ailleurs beaucoup en chanson. En fait, c’est pas du tout une erreur."

Comme il arrive souvent, la vie réservait certaines surprises à la serveuse qui s’était mise à fredonner les chansons les plus fréquemment jouées sur scène. "Au bout d’un an, le chanteur s’est aperçu que je connaissais toutes les paroles phonétiquement, même si je ne parle pas la langue du tout. Je marmonnais derrière le comptoir, alors il est venu me mettre le micro sous le nez. J’ai chanté une première fois avec beaucoup d’hésitation. Ensuite c’est devenu une espèce de running gag, on s’en faisait une fête… À toutes les fois que je travaillais, il recommençait."

C’est ce jeu d’abord innocent, devenu une tradition, qui finit par lui rendre véritablement séduisante l’idée de faire de la chanson. Puis un jour, comme la vie fait bien les choses, assis à l’une des tables du café, Luzio Altobelli (accordéoniste italo-québécois qui jouait alors au sein de la formation Manouche) l’écoutait avec attention. C’est lui qui lui donna l’impulsion nécessaire pour entamer sérieusement une carrière dans la chanson. Elle interpréta quelques titres dans le métro, où elle eut la piqûre. Assez pour oser se présenter au festival de Granby, où elle fut finaliste.

Depuis, elle a multiplié les interprétations, se mettant en bouche les mots de Boris Vian, Serge Gainsbourg, Françoise Hardy… On trouve d’ailleurs sur son premier album une reprise particulièrement réussie de La Factrie, de Clémence Desrochers. Et son prochain effort pourrait bien contenir une interprétation remarquée de la chanson Temptation, de Tom Waits – chanson qui a d’ailleurs déjà été reprise par Diana Krall sur l’album The Girl in the Other Room et dont cette dernière avait fait une mémorable interprétation au Festival de jazz de Montréal en 2004. "C’est spécial, on l’a vraiment beaucoup adaptée, mais ça fesse, comme on dit. C’est une des pièces qui est souvent très remarquée."

Pour n’importe qui d’autre, on aurait peut-être trouvé cette liste étrangement disparate… "C’est un peu ma ligne directrice de métisser les styles musicaux. C’est sûr que ça permet aussi quelques petites folies comme ça… D’incorporer des trucs un peu plus…" Phrase qui s’épuise sur une pointe de fierté. À écouter parler Lara, on sent qu’elle croit en ce qu’elle fait.

En juin 2006, cette passion l’aura menée dans la patrie d’origine de son paternel, la Suisse, pour jouer au festival Pully-Lavaux à l’heure du Québec, où elle a été invitée par le directeur de l’événement qui l’avait vue performer à Granby. Ce happening biennal, créé en 1996 pour célébrer la chanson française d’Amérique du Nord, convoque chaque année un nombre impressionnant d’artistes québécois. Lors de son passage en territoire suisse, elle aura été gratifiée du titre de révélation de l’année, honneur qu’avait mérité Chloé Ste-Marie l’année précédente. "Quand tu arrives là-bas, ce qui est bien, c’est qu’il n’y a pas trop de grands et de petits. Les gens ne connaissent pas forcément ceux qu’ils vont voir, alors ils sont curieux, ils y vont par instinct." Une attitude d’ouverture qui donne à chacun la chance de se faire connaître, sans étiquette ni idée préconçue. "Par exemple, Amélie Veille avait fait un spectacle et c’est Pierre Flynn qui avait fait sa première partie. Ça montre à quel point les choses là-bas ne sont pas comme ici. C’est une autre réalité. C’était vraiment très sympa comme festival."

Lara revivra l’expérience dès la fin mai pour quatre performances. En attendant, elle fait partie de la très variée programmation du Festival Jazz & Blues Héritage, ce qu’elle espère être le premier de plusieurs rendez-vous en terre saguenéenne. Ensuite, elle travaillera surtout à l’écriture de son deuxième album, dont elle prévoit le lancement au printemps 2009, échéance qui pourrait être repoussée si ses prestations devaient se multiplier pendant l’été. "Ça demande beaucoup de faire un album si on veut en être satisfait encore des années après." Quant à savoir comment pourrait sonner ce deuxième effort… "Je le veux peut-être un peu plus introspectif, mais en gardant quand même l’identité du premier, c’est-à-dire le métissage, le mélange d’identités."

Dans le cadre du Festival Jazz & Blues Héritage
Le 29 mars
À l’Hôtel Chicoutimi
Voir calendrier Jazz/Actuelle

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LE FESTIVAL

Cette année, le Festival Jazz & Blues Héritage a invité plus de 200 artistes à se faire entendre dans l’un ou l’autre des 13 lieux de diffusion participants. Les rendez-vous les plus séduisants sont multiples: Kellylee Evans, François Bourassa, Shakura S’Aida, Dan Livingstone, France D’Amour, Angel Forrest, Colin Perry, Steve Marriner, Kenny "Blues Boss" Wayne

Pour connaître toute la programmation du Festival Jazz & Blues Héritage, qui dure jusqu’au 30 mars:

www.jazzetblues.com.