Alpha Blondy : Alphaville
Alpha Blondy revient à Montréal en pays conquis. Ça va mieux chez lui mais pour un artiste engagé, le combat n’est jamais fini.
De mémoire de Montréalais, le retour spectaculaire d’Alpha Blondy sur la scène du Métropolis en 2003, après huit années d’absence, reste un des meilleurs shows de reggae que j’ai vus dans notre ville. Ce qui explique aussi pourquoi la superstar ivoirienne visite la même enceinte pour la troisième fois en moins de cinq ans. De plus, dans ses valises gonflées de soleil, un nouvel album percutant, Jah Victory (son meilleur, affirme-t-il), en magasin depuis mardi dernier. C’est tout chaud, donc!
"C’est surtout le contexte dans lequel il a été fait, m’explique Alpha depuis Abidjan. En réalité, j’ai mis cinq ans à le travailler. J’ai donc bien pris le temps de trouver le réalisateur idéal (Tyrone Downie, ex des Wailers et du Tom Tom Club). Et puis il porte une charge émotionnelle et musicale particulière car il m’a permis de concrétiser mon plus grand rêve: sa sortie coïncide avec la fin de la guerre civile qui a déchiré la Côte d’Ivoire."
En vérité, la gestation et la parution de cet album correspondent presque jour pour jour à la pire crise politique qu’ait vécue ce riche pays d’Afrique occidentale. Le conflit débute fin 2002 avec l’invasion d’une armée rebelle venue du Burkina Faso et qui prend les villes de Bouaké et Korhogo, dans le Nord du pays, au nom des "forces nouvelles". Nation scindée en deux, dialogue de sourds, médiations interminables, une lutte sanglante qui débouche enfin sur une trêve avec l’accord de Ouagadougou, signé en mars 2007.
Bien entendu, Alpha, dont la carrière a toujours été fortement politisée, cause du conflit en long et en large dans son nouveau disque avec des titres comme Les Salauds, Tampiris (le mot signifie "imbécile" en langue burkinabè) ou Ne tirez pas sur l’ambulance. Au téléphone, il fustige même au passage l’autre grande star du reggae ivoirien, Tiken Jah Fakoly, qui s’est exilé au Mali et en France à la suite de menaces à sa vie. "Il aime se faire peur", commente-t-il, désinvolte.
Artiste engagé par excellence, Alpha, lui, est resté sur place, question de braver le danger. N’empêche qu’il se retrouve victime d’un appel au boycott lancé par le RDR (Rassemblement des Républicains). Un ministre qualifie la chanson Mister Grande Gueule, dédiée à son chef de parti, le Dr Alassane Ouattara, d’un "délire de toxicomane". Faut dire que le reggaeman n’y va pas avec le dos de la cuiller. Ce n’est plus un pamphlet mais une série d’uppercuts en plein visage: "J’aime pas ta gueule. Rends-moi un service, ferme ta sale gueule." Et il en rajoute même au téléphone: "C’est Ouattara qui a financé le premier coup d’État. Les membres de son parti n’aiment pas qu’on le désigne comme le premier bénéficiaire du désordre. On a voulu rendre la Côte d’Ivoire ingouvernable mais, malheureusement pour eux, les Ivoiriens n’aiment pas trop la souffrance." (R. Boncy)
Le 6 avril
Au Métropolis
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À écouter si vous aimez /
Tiken Jah Fakoly, Bob Marley, Jimmy Cliff
FESTIRAAM
Pour sa première édition, le petit festival voit grand! Ambitieux, Tidiane Soumah, fondateur du FESTIRAAM (pour Festival international des rythmes d’Afrique et des Antilles de Montréal) qui a longtemps collaboré au festival Nuits d’Afrique, a convoqué des valeurs sûres de la musique africaine et antillaise. Ainsi, du 4 au 6 avril, les Montréalais friands de rythmes chauds pourront voir sur la scène du Métropolis les salseros sénégalais d’Africando (le 4 avril avec Katenen Dioubaté et Julien Reiher Umojah), une première à Montréal, tout comme la venue des très populaires Magic System de Côte d’Ivoire qui feront lever la salle avec leur Zouglou Dance (le 5 avril avec Black Parents et Gokh-Bi System). Pour clore le festival en beauté, le roi du reggae africain, Alpha Blondy, viendra quant à lui présenter le tout récent Jah Victory, qui pourrait bien être un de ses meilleurs albums (le 6 avril avec Deya et Geoulah). Info: www.tidianeworldmusic.ca. (P. Baillargeon)