Philippe B : Arrêt sur image
Musique

Philippe B : Arrêt sur image

Philippe B empaille ses émotions afin de préserver toute leur beauté.

Philippe B a pris son temps. À la suite du petit succès remporté par un premier album éponyme paru en 2005, disque qui nous faisait découvrir l’amoureux de la chanson moderne et bien fignolée qui se cachait derrière le rockeur énergique, l’ex-Gwenwed récidive enfin, trois ans plus tard, avec Taxidermie. Un titre étrange, tout comme la (belle) pochette et l’intérieur du disque où l’on découvre des paysages évocateurs, un peu gris-bleu, un peu lugubres. Quand on lui demande pourquoi ce titre et ces photos, Philippe B Bergeron se lance dans une longue explication qui résume, finalement, tout le sens de l’album. "L’image sur la pochette (comme celles à l’intérieur) nous ramène au titre. On voit un paysage dans lequel il manque le personnage principal, c’est-à-dire un animal empaillé. Reste qu’il ne faut pas chercher pourquoi on ne voit pas d’animaux, c’est une simple question esthétique. On voit tellement de photos ou de pochettes de disques avec des animaux empaillés depuis quelque temps que j’ai voulu être un peu ironique. Et c’est beau! Mais le terme "taxidermie", de façon plus générale, réfère à l’écriture d’une chanson, à l’exercice de fabriquer quelque chose qui est forcément artificiel mais qui a été conçu à partir de quelque chose de vivant, soit une émotion, une expérience de vie, un souvenir. Et ce quelque chose de vivant, on le fige dans le temps, comme un polaroïd d’un moment bien précis, et on tente de lui donner une apparence de vie. C’est ce dont il est question dans la chanson Taxidermie. Je parle de la volonté de préserver la mémoire et de figer le temps mais je m’en suis servi pour décrire l’album au complet car je trouvais que cette métaphore représentait bien l’ensemble du disque."

En affirmant ceci, Philippe B qui, à temps perdu est aussi guitariste auprès de Pierre Lapointe, admet finalement qu’il est davantage inspiré par le réel que par la fiction. "Je n’invente pas grand-chose. Je pense que pour que ça résonne chez l’auditeur, il faut que ce que je raconte ait une certaine résonance pour moi, pour l’auteur. Après, on peut extrapoler et inventer un peu, mais à la base, c’est une véritable émotion que je tente de transcrire."

Comme sur son premier album, le musicien originaire de l’Abitibi semble fasciné par l’ailleurs et les autres. Des noms de lieux ou d’individus reviennent fréquemment dans les chansons de Philippe B. "Je tente une réflexion sur la relation entre l’individu et le lieu qu’il occupe, ou vice versa. On a une influence sur le lieu qu’on occupe et le lieu a une influence sur nous. Au-delà de ça, les noms qu’on donne aux lieux et aux gens influencent aussi nos vies. On ne sera pas la même personne si on se nomme Johnny plutôt que Jean-Marc. Et cela modifie aussi la perception que les autres ont de nous ou d’un lieu. Pour moi, la chanson permet ce pouvoir d’évocation des mots. Dans cette optique, je suis allé assez loin dans la chanson Bilbao, tout tourne autour de ça. Je n’ai qu’à nommer un endroit bien précis pour que les gens se fassent leur propre interprétation, leurs propres images. Je n’ai pas besoin d’en dire plus. Et ça s’applique pour les instruments que tu utilises. Si tu emploies de l’harmonica dans un morceau, tu évoques quelque chose qu’un violon ne ferait pas. Tout ça m’intéresse et m’interpelle."

Mis à part la pièce La Dérive des continents, qui est un peu plus étrange et audacieuse, Taxidermie est un disque de chansons comme on les connaît, sans bizarreries. "Ce n’est pas un disque audacieux et aventureux, bien que j’essaie un peu, avec un dosage subtil. Je dirais plutôt que c’est davantage un album plus léché, moins bricolé que le précédent. Je me suis amélioré et je me suis permis plus de choses, les musiciens sont meilleurs, les ingrédients sont meilleurs, les conditions d’enregistrement furent meilleures, donc ça donne un résultat plus traditionnel, plus pop classique."

Philippe B
Taxidermie
(Proxenett/Bonsound/Fusion3)

À écouter si vous aimez /
Neil Young, Monsieur Mono, Michel Rivard