Camille : Trou d'un coup
Musique

Camille : Trou d’un coup

Avec l’audacieux Music Hole, Camille met voix et corps au service d’une démarche exploratoire qui, cette fois, se décline en anglais. Entretien.

Sur Le Fil, elle posait déjà en funambule, jonglant avec les mots et les rythmes, se moquant de la gravité pour hisser la chanson française bien au-dessus de la mêlée. Sur Music Hole, Camille propose une autre étourdissante pirouette musicale, ajoutant au coefficient de difficulté: cette fois, tous les instruments, hormis un piano solitaire, sont suppléés par le corps humain. En résulte un disque ludique et dynamique, porté par une énergie éminemment dansante.

Ce programme original, son auteure nous en a exposé l’essence par voie téléphonique. "J’avais envie d’explorer la musique dans le mouvement, explique d’abord Camille. J’ai eu envie d’étendre ma connaissance du corps humain, de l’anatomie, et d’explorer la physicalité du son. Cela correspondait à mon envie de danser. La tournée pour Le Fil m’a beaucoup ouvert le corps et l’esprit, et m’a donné envie de fêter tout ça, simplement."

Délaissant audacieusement guitares, batterie et autres instruments classiques, Camille met à contribution ce remarquable parc à instruments que constitue le corps humain. Poussant plus loin la démarche amorcée sur son album précédent, elle rythme sa musique de façon on ne peut plus "naturelle". "Pour Le Fil, je m’étais plutôt attachée au beatbox, rappelle-t-elle. Cette fois, j’ai eu envie de développer les arrangements différemment." Pratiquement toute la musique est suscitée par le bec, les mains, les pieds – alouette! – des musiciens invités.

Cette façon de faire lui a été inspirée par le groupe brésilien Les Barbatuques, que Camille a découvert sur scène il y a quelques années et qu’elle a invité à jouer sur Music Hole: "Ils sont plutôt spécialisés dans les rythmes traditionnels, qu’ils revisitent à leur manière. Je les ai fait travailler sur des rythmes auxquels ils ne sont pas nécessairement habitués. Mais tout fonctionne. On peut faire n’importe quoi avec les percussions corporelles."

Après deux albums conçus dans la langue de Gainsbourg, Camille ajoute une corde (vocale) à son arc: Music Hole est majoritairement chanté dans l’idiome du voisin d’outre-Manche. Et qu’est-ce que l’anglais permet d’explorer que le français ne permet pas? La réponse renvoie à des préoccupations artistiques bien mûries. "L’anglais est une langue plus dynamique que le français, répond d’abord Camille. C’est aussi, je pense, une langue qui a plus d’ouverture sur les voyelles, plus de diphtongues. Elle résonne davantage."

La musicienne ajoutera que, pour donner ses ailes à Music Hole, il importait d’employer la langue la plus festive, la plus swinguante qui soit. "Ce n’est pas un hasard que je l’aie choisie pour ce disque-là, qui est plus extraverti, qui s’inspire des musiques qui dansent. On ne peut pas dire que les Français ont vraiment envahi la planète avec la bourrée auvergnate. Les rythmes anglo-saxons, africains ont fait leurs preuves. Le français va plus marcher sur un rythme latin, brésilien que sur un rythme de soul. Mais pour faire une reprise marrante de disco, je passerais par l’anglais."

On rappellera par ailleurs que les échanges culturels, la Française pratique depuis un bon moment déjà. Après avoir posé sa griffe sur Le Fil, le musicien anglais Majiker porte de nouveau le chapeau de coréalisateur pour Music Hole. Sa contribution est essentielle, nous révèle Camille: "Il m’enrichit énormément. En plus de m’avoir fait découvrir le minimalisme classique – je pense à Steve Reich -, il connaît très bien les polyphonies dans la pop. Outre ses connaissances harmoniques et musicales, il a une écoute remarquable. C’est un interlocuteur précieux. C’est très important d’avoir un feed-back pendant le processus de création. Ça clarifie." Qui plus est, la paire a le mérite d’être complémentaire: "J’ai tendance à être optimiste, il a tendance à être pessimiste. Ça s’équilibre", conclut Camille.

Camille
Music Hole
(EMI/Fusion3)

À écouter si vous aimez /
La polyphonie, les percussions humaines, Le Fil de Camille