Jean-Louis Murat : Le chevalier Murat
Jean-Louis Murat dégaine Tristan, un des disques les plus forts de toute sa carrière. Inspiré par la légende Tristan et Iseult, il se fait chevalier errant, sensuel et chantant.
Pour interroger Jean-Louis Murat, prévoyez des pinces afin d’extraire chacun de ses mots. Au téléphone, l’artiste est moins une flamboyante grande gueule qu’à la télé. Il déverse ses réponses au compte-gouttes. Mais qu’importe? L’essentiel, chez Murat, ce sont ses chansons, et sur Tristan, son nouvel opus, elles resplendissent de mille éclats.
Nul besoin de connaître la légende de Tristan et Iseult pour apprécier les textes de cet album. Mais comment lui est venue l’idée de s’inspirer de cette histoire? "Oh, ça remonte à très longtemps et puis il y a une grosse part de hasard", répond-il au bout du fil en laissant le silence s’infiltrer entre chaque bout de phrase. Murat s’incruste bien dans la lenteur et le mystérieux. On aime ses chansons de la même façon.
"Je travaillais sur le disque Charles et Léo, des poèmes de Baudelaire sur des musiques de Ferré. Et ça m’a renforcé dans l’idée. Après Baudelaire, je trouvais pas mal de concrétiser ce projet de me prendre pour Tristan, le temps d’un album. Ma préoccupation principale, presque malgré moi, c’est l’amour, je n’écris pratiquement que sur ça. Je n’ai pas fait d’études étant enfant, alors j’en profite maintenant. C’est très intéressant de me plonger dans toute une littérature, dans mes origines de romantique occidental…" Vrai que le personnage Murat baigne dans le romantisme mélancolique, comme un personnage d’un autre siècle. Ce chanteur est d’une classe à part. Il n’en est que plus remarquable.
La langue qu’emploie Murat sur Tristan scintille: un peu précieuse, pas mal littéraire, sans que l’essence de son propos nous échappe. Elle rappelle celle de son album Madame Deshoulières (2001), sur lequel il chantait avec Isabelle Huppert les vers d’une poétesse du 17e siècle: "J’ai été plongé dans Baudelaire, je connaissais des dizaines de textes par coeur, il y a eu une légère intoxication par sa langue poétique. Pour Tristan, je m’y suis un peu adapté malgré moi. Passer la journée à chanter du Baudelaire, le soir quand j’écrivais mes textes, forcément… Mais je m’en suis rendu compte seulement quand c’était terminé."
Pour enregistrer ces chansons folk-pop, Murat a un peu dévié de sa méthode de travail habituelle: "J’ai tout fait à la maison en solo avec un ingénieur du son. J’ai joué de tous les instruments." Le résultat, d’une grande cohérence poétique et musicale, est de toute beauté.
Déjà un quart de siècle que Jean-Louis Murat sévit dans la chanson française, qu’il joue volontiers le rôle d’emmerdeur. Environ deux douzaines de disques ont été produits. Par sa surproductivité (jusqu’à trois CD par année!), il essouffle public et journalistes. Mais cette fois-ci, l’étape est majeure. Que la route du chevalier repasse vite par chez nous.
Jean-Louis Murat
Tristan
(V2/Universal)
À écouter si vous aimez /
Bashung, Leonard Cohen, Philippe B