Tricia Foster : Valeur marchande
Musique

Tricia Foster : Valeur marchande

Tricia Foster transforme une citrouille en carrosse… d’épicerie et pénètre dans son caddy pour se présenter sous son jour… Commerciale.

Tricia Foster, jeune, solide comme un roc, un brin frivole, est une femme de convictions. Elle l’a prouvé en 2004 en lançant Tricia 412, où elle revendiquait le respect de la Terre et des valeurs écolo-humanitaires dans un album couché dans un livret de carton 100 % recyclé. De retour après quatre ans à promener ses chansons et à se faire les dents sur scène, elle se décrit comme "plus mûre, moins fâchée". "Pas que mes préoccupations ont changé, mais ma façon de les voir, oui. Mon approche est plus introspective, plus mûre, plus humaine aussi", relate celle que l’on nommait Découverte de l’année au Gala des prix Trille Or 2005. La plume un peu mieux affilée, elle s’inscrit davantage dans l’action que dans la revendication: "Au lieu de prendre ma pancarte et d’aller manifester, je me suis inscrite à un compost communautaire", citera-t-elle tout bonnement à titre d’exemple.

La chanteuse d’Astorville en Ontario et Montréalaise d’adoption s’est aussi fait un devoir de se ressourcer entre les deux galettes. "Je me suis donné le temps de lire des livres en français (!!), de voir des documentaires… Je devais recharger mes batteries, je n’avais aucune envie de remplir des feuilles de papier avec des mots pas rapport. Je me suis fait des "moments" avec des amis et des bouteilles de vin en camping à écrire des tounes."

S’étant fait reprocher de ne pas avoir montré sa bouille sur la pochette de son premier album, Tricia a choisi cette fois de s’afficher comme un produit prêt à la consommation, en jouant avec l’image du panier d’épicerie. "Je déteste les caméras en temps normal. Je fais de la musique justement parce que je suis cachée, ou alors je suis sur une scène et c’est un moment qui passe. J’ai du mal avec les archives de ma face. Mais là, j’ai décidé de me mettre carrément en pub, en abordant les questions de la surconsommation et de l’industrie musicale. J’ai adoré le photoshoot!" lance-t-elle à propos de sa pochette.

Shawn Sasynik, son "right hand man" qui avait réalisé son premier album, a été appelé en renfort pour coréaliser et coécrire quelques pièces. La chanteuse s’est aussi entourée d’une brochette d’artistes qu’elle côtoyait déjà, tels ses amis chanteurs Marcel Aymar, Anique Granger et autres copains du théâtre, Dalèlle Mansour et André Perrier. "Voir ces gens transmettre leur passion et jouer sur mon album a été le meilleur trip de ma vie."

En a résulté un album folk urbain hétéroclite, touffu, théâtral, où l’artiste égratigne l’industrie de la chanson qui crée des stars sur mesure (Commerciale où elle parodie une "chanteuse à voix"); fait état de sa personnalité volage, rêveuse (Bubble Days, une des deux pièces chantées en anglais sur l’album); rend hommage aux femmes l’ayant précédée (Force ou faiblesse, inspirée de sa lecture du livre Les Femmes et la guerre de Madeleine Gagnon).

Plus mûre? Ça, il n’y a pas de doute. On parle par ailleurs toujours d’elle comme d’une artiste de la relève. Agacée? "Pas du tout. Je vais être de la relève pendant longtemps. Ça me donne plein d’occasions d’être l’artiste émergent de tel événement ou festival… On recherche toujours la nouveauté et la planète est grande", sourit-elle. Mais quand on la cantonne à ses origines franco-ontariennes… "Ça, ça m’énarve! Je m’identifie comme telle, mais je suis un peu tannée qu’on me parle de la langue. Pour moi, it’s a non-issue. Je ne porte pas de drapeau. J’en porte trop pour en porter un seul. Mon drapeau, c’est la planète. Ça serait ridicule pour moi de choisir plus petit. Ce n’est pas que je ne sois pas fière. Je suis fière de tout ce que je suis, mais je suis tellement d’affaires!" conclut la bouillonnante Tricia.

Commerciale
Tricia Foster
(Indie)

À écouter si vous aimez / Anique Granger, Jann Arden, Ani DiFranco