Dany Placard : Chemin de traverse
Musique

Dany Placard : Chemin de traverse

Dany Placard reprend la route et lance Raccourci, une histoire de char.

Les raccourcis, Dany Placard les évite, autant dans sa carrière musicale que dans sa vie de tous les jours. Préférant les chemins de traverse aux autoroutes – "c’est ben plus beau, pis tu tombes toujours sur des cantines agréables" -, le compositeur a travaillé huit ans dans l’indépendance avant de finalement signer son premier contrat de disque avec Indica, l’an dernier. En mars, l’étiquette faisait paraître Raccourci, deuxième effort lancé sous le nom de Dany Placard (le musicien en compte également deux avec Plywood 3/4, deux sous le simple nom de Placard et un avec Carl-Éric Hudon). Tirant son titre d’une adaptation francophone de la pièce Long Way Home de Tom Waits, l’album nous ramène dans les sombres contrées folk americana visitées par Dany sur son précédent compact, Rang de l’église.

"C’était un peu la mission que m’avait donnée Indica. Pas faire un Rang de l’église numéro deux, mais accoucher d’un disque mieux produit, tout en conservant mon style, afin que le label puisse m’aider à joindre un public plus large. Dans le fond, signer avec Indica m’a donné plus de temps d’enregistrement et un meilleur équipement. J’ai pu approfondir les arrangements de cuivres et ajouter du violon."

Collant les mots char, pick-up ou truck à la majorité de ses textes, le bleuet décrit Raccourci comme un véritable road trip vécu par différents personnages: un laitier qui effectue sa run chaque matin, un écolier seul sur un banc d’autobus, un camionneur chicoutimien pris du mal du pays dans le désert du Nouveau-Mexique. "C’est un disque moins personnel que Rang de l’église qui parlait clairement de la vie à Laterrière (sa ville natale), mais les angoisses et les sentiments de mes personnages peuvent ressembler aux miens. Je ne suis pas le gars qui colle une photo de la lune sur son tableau de bord (comme dans Gratte-ciel), mais j’ai une photo de ma blonde pis de mon petit dans mon portefeuille. Même chose pour le truckeur de Désert qui s’ennuie de sa famille. C’est pas moi, mais je m’ennuie aussi de mon monde quand je suis en tournée ou que je travaille trop."

Si Dany se livre indirectement sur Raccourci, l’auteur-compositeur y présente une facette intrinsèque de sa personnalité: sa fascination pour la route. "Pour moi, c’est un idéal. S’il y a une place dans le monde où je me sens le mieux, c’est ben dans mon char. Je vois ça comme un petit cocon dans lequel t’es renfermé avec juste du monde que t’aimes. Ma famille, mes chums. C’est un moment privilégié. T’es rarement dans un char avec quelqu’un que t’as envie d’assommer", observe-t-il avant d’expliquer les racines de ce bien-être. "Mon père était chauffeur de truck, et toutes les fins de semaine, on allait se promener en famille. On partait ben de bonne heure les dimanches matins pour faire le tour du lac Saint-Jean dans un F10 King Cab, un pick-up gris. Ça prenait quatre heures."

C’était avant qu’on se préoccupe de la couche d’ozone. Alors que l’essence se vendait 42 cents le litre, et qu’on conduisait avec une petite frette entre les jambes.

À écouter si vous aimez /
Tom Waits, Calexico, Iron & Wine