Mônica Freire : Sage femme
Trois ans après Bahiatronica, la Brésiliano-Québécoise Mônica Freire revient avec Na Lage, un album enregistré entre Bahia, Rio et Montréal sous le signe de l’éclectisme et de la maturité artistique.
"Je ne suis pas encore redescendue des nuages", rigole Mônica Freire en évoquant l’état de grâce qui fut sien au fil de la gestation de ce nouvel opus. Tout n’est pas pourtant gai sur Na Lage, dont la plage éponyme, une samba aux accents reggae, évoque les conditions de vie des habitants des favelas de sa patrie. "Oui, c’est vrai que la vie est difficile pour ces gens et c’est pourquoi, même si la chanson avait été écrite avant, je n’ai pu l’enregistrer qu’après être allée marcher dans ces quartiers."
Et la native de Bahia d’évoquer avec émotion ses promenades dans les faubourgs défavorisés de Rio, qu’on connaît ici par les bulletins d’information ou le cinéma (La cité des dieux). Ce pèlerinage fait d’ailleurs l’objet du "carnet de voyage" conçu par le photographe Tshi et la graphiste Isabelle Ducharme, qui signent la pochette et le livret du nouvel opus. Freire n’a que des éloges pour ces deux-là, de même que pour ses autres collaborateurs qui l’ont accompagnée dans la création de cet album – son quatrième, si l’on compte deux productions réalisées au Japon mais jamais diffusées au Québec.
Mônica Freire s’enorgueillit de compter Liminha au nombre de ses estimés complices, parmi lesquels on retrouve aussi les Québécois Alex McMahon, Guy Dubuc, Dan Thouin, Tony Albino et cie. Et pour cause! On ne recrute pas si aisément le légendaire réalisateur, ex-membre de la formation Os Mutantes et compagnon d’armes de Gilberto Gil. "Je lui avais fait parvenir Bahiatronica parce que je suis une grande fan de tout ce qu’il a fait avec Gilberto Gil et d’autres. Et sachant qu’il est très sollicité, j’ai fait pression sur sa secrétaire pour m’assurer qu’il prenne le temps de l’écouter." L’éloignement de la terre natale à laquelle l’auteure-compositrice-interprète demeure très attachée sur les plans artistique et émotif lui autorise une liberté peu usuelle dans le monde de la musique populaire brésilienne; c’est en partie ce qui a séduit Liminha dans Bahiatronica.
Même s’il doutait pouvoir ajouter quoi que ce soit à ce métissage de rythmes organiques et électroniques, le réalisateur a orchestré de main de maître les rencontres fortuites ou forcées entre la chanteuse et des créateurs du cru dont le poète Arnaldo Antunes (coauteur de trois textes, dont la plage éponyme), l’auteur-compositeur-interprète Rodrigo Maranhao ("une découverte et un coup de foudre!" s’exclame Freire), les paroliers Dudu Falcao, Álvaro Faleiros et quelques autres. Inspirantes retrouvailles pour ces artistes dont les chemins avaient croisé celui du réalisateur il y a plus ou moins longtemps et qui ont contribué à faire de Na Lage le petit joyau d’éclectisme musical dont rêvait l’auteure. "Même dans les cas où je n’ai pas participé à proprement parler à l’écriture des chansons, précise Monica Freire, le fait d’avoir été présente, d’avoir été aux premières loges à leur création, de les avoir inspirées au fil des conversations, d’en être l’interprète me donne l’impression d’avoir joué la sage-femme, en quelque sorte."
Comme quoi ce terme de sage-femme doit être lu ici avec et sans le trait d’union…
Mônica Freire
Na Lage
(Audiogram/Select)
À écouter si vous aimez /
Gilberto Gil, Bebel Gilberto, Adrianna Calcanhotto