Plume Latraverse : Dans son plus simple appareil
Musique

Plume Latraverse : Dans son plus simple appareil

Plume Latraverse arrive en Estrie les bras chargés de textes truculents. Il les offrira à son public lors d’un spectacle épuré digne des boîtes à chanson d’autrefois.

Joint au téléphone par un matin pluvieux, Plume Latraverse me confirme qu’il n’est pas tellement friand d’entrevues. "Que veux-tu… Ce n’est qu’un dur moment à passer", affirme-t-il sans censure. Sieur Plume a la réputation d’être moins sympathique que Michel Latraverse, celui qui se cache sous le personnage. Il est toutefois difficile de lui en vouloir, car son éloquence compense amplement pour son manque d’entrain en cette journée grise.

Hors-Saisons, son tout dernier disque applaudi par la critique, a vu le jour à la suite d’une série de concerts donnés en 2007. Il y "cassait" ses nouvelles chansons, tout en laissant une place de choix à certains incontournables de son répertoire. La formule intime de ces spectacles en avait séduit plus d’un, car elle mettait l’accent sur ces mots qu’Onc Pluplu manie si bien en bouche. "Ce show est à l’opposé des festivals; j’avais une "festivalite" aiguë. Il fallait que je retouche les planches, un peu comme dans les années 60." Au Théâtre Granada de Sherbrooke et à la Maison de la culture de Waterloo, le "grand flanc mou" nous revient donc dans son plus simple appareil, soit en duo, avec une ribambelle de chansons neuves ou d’occasion.

"On est toujours dans la tournée Hors-Saisons, car en 2007 on n’a fait que de petites salles. On a repris où on avait laissé. De plus, j’ai pris une chainsaw et j’ai coupé mon cerveau en deux, car simultanément, j’enregistre de nouvelles chansons. Le projet s’appelle Plumonymes. Ça devrait voir le jour à l’automne prochain. Hors-Saisons est un album qui côtoyait notre côté live, tandis que celui-ci sera plus studio."

Qu’une seule année sépare la sortie de ces deux albums sous-entend que Plume est en très grande forme. Depuis un certain temps, il nous avait habitués à un nouvel opus tous les cinq ans. "Dans mes bonnes époques, j’en faisais trois par année. Il y a des périodes comme ça. Ce sont des élans créatifs et quand il faut que ça sorte, ça sort. Des fois, ça ne vient pas du tout et c’est ce qui fait que ça peut prendre cinq ans, mais ce coup-là, j’ai eu des jumeaux. Ils arrivent un après l’autre." Tout est une question d’inspiration pour celui qui dit écrire pour les mêmes raisons que jadis. "C’est une autodéfense de mon cerveau face à ce qui nous entoure. J’en tire des chansons. La première a toujours de la difficulté à sortir, mais elle devient comme une locomotive et il y a un tas de wagons rattachés à ça."

SI LA CHANSON VOUS INTÉRESSE

À l’avant-plan de l’oeuvre de Plume Latraverse, on retrouve ses chansons, mais lors de ses intermèdes musicaux (ses "années sabbatiques"), il s’adonne entre autres à la peinture ainsi qu’à l’écriture de romans (Pas d’admission sans histoire, Striboule…). Serge Gainsbourg, qui affectionnait les arts visuels et la littérature, a déjà dit que la chanson était un art mineur. Pourtant, il était principalement célébré en tant qu’auteur-compositeur. Est-ce que Plume partage cet avis, lui qui est dans la même posture? "C’est n’importe quoi. Pour combattre le temps, pour que ça se passe d’une génération à l’autre, c’est encore la chanson qui est la plus adéquate. En ce qui me concerne, j’ai débuté comme peintre il y a bien longtemps. J’ai fait les beaux-arts. Quand j’ai découvert que je pouvais faire la même chose avec les mots, tout a basculé. Il y a des chansons qui sont des peintures à l’huile, qui prennent du temps à sécher, que tu fais à la spatule, où tu dois beurrer épais… Il y a des chansons qui sont plus en atmosphères, comme si elles étaient des aquarelles. Et il y en a forcément qui touchent plus au domaine de la caricature, qui sont faites à la plume acérée et vive."

Quant à son côté romancier, Plume ne l’a pas mis au rancart, mais la quantité de travail que cela représente le rebute un peu. Le long processus de publication est une véritable purgation pour lui. "Reste que c’est une nécessité hygiénique, rigole-t-il. Il faut torcher quelque chose une fois de temps en temps. Un roman, c’est prendre une goutte d’eau et en faire un océan, tandis que c’est l’inverse pour une chanson."

Plume a beau accumuler les statuts (chansonnier, fantaisiste…), c’est celui d’auteur-compositeur qu’il chérit d’abord et avant tout. "Si je ne pouvais plus faire de farces, ça ne me dérangerait pas. Continuer d’analyser ce qui se passe autour et d’en faire de petites bulles, c’est ce qui est le plus important."

Alors que l’entrevue prend fin, Plume insiste pour préciser à qui son présent spectacle s’adresse: "Si la chanson vous intéresse, venez au show. Si vous vous attendez à voir un gorille qui saute dans les airs, attendez que la "festivalite" me lâche!" On lui souhaite que son rétablissement ne se fasse pas de sitôt.

Le 9 mai à 20h30
Au Théâtre Granada

Le 10 mai à 20h
À la Maison de la culture de Waterloo

À écouter si vous aimez /
Stephen Faulkner, Urbain Desbois, Gaston Miron