Oliver Jones : Encore et encore
Oliver Jones, l’"autre" pianiste prodige originaire de Saint-Henri, nous revient en grande forme avec un nouvel album et des projets de tournée.
Que ses fidèles admirateurs et admiratrices se rassurent: à 74 ans bien sonnés, le pianiste Oliver Jones va très bien. La nouvelle a de quoi inspirer un soupir de soulagement, surtout à la suite de son désistement de dernière minute du concert Hommage à Broadway qu’il devait donner avec l’Orchestre symphonique de Montréal, pour des raisons de santé. "C’était vraiment une grande déception pour moi de ne pas pouvoir participer à ce concert, que je rêvais de faire depuis des années, d’expliquer le jazzman montréalais, contrit. Et aussi, c’était la première fois en carrière que j’annulais une prestation. Mais j’avais les mains engourdies par l’arthrite et un pouce bloqué. Je n’aurais pas été à la hauteur."
À écouter cependant son tout récent disque, Second Time Around, nul ne saurait se douter des petits problèmes qui affligent le disciple et frère spirituel du défunt Oscar Peterson. Enregistré en trio aux côtés du docte Éric Lagacé à la contrebasse et du fougueux Jim Doxas à la batterie, il s’agit du troisième album paru depuis sa sortie d’une brève retraite à laquelle personne – pas même lui! – ne croyait vraiment. Le CD rassemble une dizaine de plages (dont à peine la moitié empruntées au répertoire standard), interprétées avec un entrain et une fougue directement proportionnels au plaisir de Jones de jouer dans ce contexte. "Ce groupe est devenu mon groupe régulier; j’avais enregistré avec Éric et Jim chacun dans un contexte différent, jamais avec les deux. Mais nos séances se sont très bien déroulées, nous avons tellement un bon rapport."
Parfaitement audible, cette connivence se traduit aussi en deux compositions originales du pianiste, dédiées à l’un et à l’autre de ses partenaires: Museric Waltz et D for Doxas, qui expriment en musique l’admiration que voue le leader à son contrebassiste et à son batteur. "C’est à force de devoir expliquer chaque soir à l’auditoire que le nom de Jimmy était Doxas avec un D que j’ai trouvé le titre de la pièce que j’ai écrite en son honneur. Et comme je ne voulais pas laisser Éric en reste, je lui ai écrit quelque chose qui ressemblerait à la fois à une valse et à un menuet, pour mettre en relief sa grande connaissance des formes classiques."
DU PAIN SUR LA PLANCHE
Même s’il avoue écouter peu de disques, participation à des festivals de jazz oblige, Oliver Jones demeure assez au courant de ce qui se passe sur la scène au pays ou à l’étranger, des figures émergentes qui seront le jazz de demain, ainsi qu’en témoigne sa sympathique préface au premier album, éponyme, de la chanteuse Stéphanie Laliberté, paru ce printemps. "Chez nous ou ailleurs, il y a tellement de talents qui émergent, des musiciens de tout premier plan de la génération de Jimmy [Doxas] ou même plus jeunes, que j’ai vraiment l’impression d’être devenu un patriarche", rigole le pianiste.
Patriarche ou pas, il se tient occupé, le jeune faux retraité du jazz canadien. "Vous savez, avant de reprendre la vie active, j’ai passé quatre ans loin de mon piano, convaincu que je n’y reviendrais pas. Il a fallu ce concert avec Oscar [Peterson] lors de la 25e édition du Festival de Jazz de Montréal et ce téléphone qui n’en finissait plus de sonner après la télédiffusion du spectacle pour me convaincre de repartir sur la route." Cet été, dans la foulée de la disparition de celui qui fut à la fois son ami, son grand frère et son mentor, Oliver Jones prendra part à des festivals partout à travers le monde pour rendre hommage "au plus grand jazzman que le Canada ait donné au monde". Ces pérégrinations à travers le monde auront pour point de départ cette ville natale qu’il a en commun avec Peterson; et à l’occasion du 29e FIJM, Jones côtoiera cet autre illustre vétéran du piano jazz dont il partage le patronyme, Hank Jones, lors d’une soirée deux pianos face à face. Comme quoi, ses plans de retraite… y
Oliver Jones
Second Time Around
(Justin Time/Fusion3)
À écouter si vous aimez /
Oscar Peterson, Hank Jones, Michel Petrucciani