Martha Wainwright : La saison des coeurs saignants
Musique

Martha Wainwright : La saison des coeurs saignants

Martha Wainwright franchit haut la main l’étape délicate du second album avec toute l’intensité romantique qui la distingue. Entretien à coeur ouvert.

Avec sa folk chargée d’émotions, sa voix ample et écorchée que l’on reconnaît tout de suite, ce romantisme à la fois brutal et sincère, Martha Wainwright en avait charmé plus d’un en 2005 lors de la parution d’un premier effort éponyme. Ainsi, bien des malades du coeur avaient trouvé écho à leur douleur dans les chansons passionnées de Martha et une épaule pour s’épancher. D’autres se sont acheminés vers elle par intérêt pour son pedigree, intrigués par la complainte de la petite soeur de Rufus, fille de Kate McGarrigle et de Loudon Wainwright III, surnommé affectueusement "Bloody Mother F***ing A**hole" dans une chanson du même nom.

"Beaucoup de choses ont changé dans ma vie entre le premier disque et celui-ci", confie-t-elle depuis Copenhague dans ce français un peu cassé et attachant. Au cours des trois dernières années, en plus du succès récolté et des nombreuses tournées, collaborations et marques de respect manifestées de part et d’autre pour son travail, la Montréalaise exilée à Brooklyn s’est mariée. "Je pense que toutes ces transformations s’entendent sur le nouvel album, que j’ai conçu en tant que chanteuse et musicienne et non pas comme quelqu’un qui lutte pour se dégager de l’emprise familiale. À un moment donné, il a fallu que j’aille voir en dedans de moi et que je me questionne très sincèrement, comme artiste, sur ce que j’avais à offrir au monde. Aujourd’hui, j’ai davantage confiance en mes moyens."

LE GOUT DES AUTRES

Magnifiquement intitulé I Know You’re Married But I Got Feelings Too, ce deuxième effort (en magasin le 3 juin) est à la fois différent et en continuité avec le précédent; en d’autres mots, sa suite logique témoignant d’une évolution nette et d’une réelle maturation. D’abord, le titre réitère la connivence établie entre la chanteuse et son auditoire puisqu’elle se met dans la position de la mauvaise fille et nous rend complices. Comment ne pas tendre l’oreille?

Deuxième constat: tout le rapport à l’image de Martha Wainwright a changé. Il y a trois ans, on l’entrapercevait, floue, dans des tons de sépia-pourpre en couverture d’album. Rien à voir avec le superbe shooting glamoureux signé Carl Lessard; sur la pochette de l’album, elle apparaît offerte et dévoilée, affaissée sur le chic sofa d’une chambre luxueuse, jambes dénudées, légèrement entrouvertes et… anneau au doigt. "J’ai voulu m’amuser un peu plus avec cette dimension-là, jouer avec mon image. La séance a duré 16 heures, ç’a été très long. Vers la fin, on était tellement fatigués que je me suis écroulée sur le divan et j’ai mis mes jambes vers le haut en niaisant. Ça évoque presque une scène de meurtre." L’assassinat le plus sexy de l’histoire du crime, mettons.

Autre changement: le son s’est complexifié. À la fois luxuriant et peaufiné, il est révélateur des plus grands moyens mis à la disposition de Martha et de séances où la contrainte était exclue. La chanteuse tenait à ce que ça sonne davantage produit, sans pour autant confondre "produit" et "léché".

En dépit de tous ces changements, certains éléments sont demeurés intacts. La voix de Martha Wainwright est toujours aussi chargée, collée aux tourments intérieurs, exposée sans fard ni carapace. L’album est encore une fois hanté par le souvenir indélébile d’anciens amis et amants. Sauf que cette fois, au lieu de se laisser écraser par le poids des fantômes, elle a plutôt appris à danser avec eux. "Comme je me sens épanouie dans mon mariage, je suis en mesure de bien parler de ces gens qui m’ont marquée par le passé. Bleeding All Over You aborde le sujet des amours impossibles – parfois aussi les plus intenses. D’ailleurs, à mon mariage, j’ai dansé, au sens propre, avec ces gens-là. Parfois, ironiquement, c’est la vie qui imite l’art."

Martha Wainwright
I Know You’re Married But I Got Feelings Too
(MapleMusic/Universal)
En magasin le 3 juin

[Au Bluesfest d’Ottawa]
Le 13 juillet à 17h30
Au parc des Plaines-LeBreton – Scène Roots

À écouter si vous aimez / Cat Power, Marianne Faithfull, Tori Amos première époque