Georges Moustaki : Amours, toujours
À 74 ans, Georges Moustaki se réinvente sur des thèmes familiers et propose en tournée ses plus belles chansons depuis longtemps.
"Ma guitare m’a permis de lézarder, d’avoir une existence peu rentable mais franchement bénéfique."
Pâtre grec, juif errant, métèque. Giuseppe Mustacchi d’Alexandrie, qui, au temps des contestations de Mai 68, a opposé à l’effervescence du capital le farniente horizontal au soleil, fut tout de même un sacré bosseur! Trente-neuf disques, une notoriété mondiale mais particulière chez les latins et dans le Québec des années 70-80 où des familles entières bourraient la Place des Arts et le Grand Théâtre: "Trente-neuf disques, j’ai faits!?…" dit-il depuis Paris, interloqué, de cette remarquable voix feutrée, quasi anesthésique. "En tout cas, j’ai tout fait avec le même plaisir. Je suis un paresseux qui… travaille. Probablement parce que le travail ne m’apaise pas."
Paradoxalement intitulé Solitaire, ce 39e album contredit apparemment son titre: une douzaine de musiciens, de nombreuses collaborations, un aréopage de femmes, d’enfants et d’amis vivants ou disparus déjà remarquablement évoqués dans Le Temps de nos guitares émaillent ses chansons.
À 74 balais, Moustaki joue doucement de la nostalgie et d’une résignation pacifique opposée à la véhémence du siècle: "J’ai mis à jour cette solitude qui était déjà mon état d’âme il y a 40 ans. Désormais, je dis que mon rejet du monde tel qu’il est s’avère sans impatience. Politiquement, ce qui me tenait à coeur, je ne le regrette pas dans la colère et le dégoût, mais plutôt dans l’indifférence, qui me semble une sorte de combat passif."
Indifférence? Le mot ne fait pas honneur à ces nouvelles chansons pétillantes, très "verbeuses", faites d’abondances et d’optimismes. Moustaki est un conteur qui, comme Pénélope, défait et refait désormais la mémoire de sa trajectoire: "Ces carrières comme la mienne, construites sur une voix, une guitare, celles de Piaf, Yvart, Barrier, Douai, Salvador, Tino Rossi, Dalida, Barbara et Reggiani, pour lesquels j’ai écrit Sarah, Milord… je les évoque comme on fait une fête à la cuisine… Tous de bons chanteurs qui m’ont permis des complicités, on est tous de la même famille. Ils chantaient de belles chansons…", se contente-t-il d’ajouter sans jugement de caste.
Avec des accents de ce Brésil où Moustaki fréquenta jadis le génial Antonio Carlos Jobim, Solitaire marque aussi un retour aux duos et collaborations avec une autre génération: Delerm, Cali, China Forbes, Stacey Kent ont remplacé Barbara avec laquelle il fit la mémorable La Ligne droite. "J’ai toujours fait des duos, bien avant que ce ne soit une mode, précise le patriarche. Cette fois-ci, c’est probablement plus remarquable à cause de l’écart des générations."
En ce printemps, Moustaki a repris le collier. Après l’Allemagne, l’Égypte et la Suisse, il débarque tout juste du Portugal et conserve une affection particulière pour le Québec où il sera dans quelques jours: "L’hiver porte à s’ouvrir les uns aux autres. Au Québec, on ne perd pas son temps en bavardages. Je me souviens que dans la rue, on m’y offrait un joint d’un geste de plaisir."
Le 10 juin à 20h30
À la Salle Albert-Rousseau
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À écouter si vous aimez /
Georges Brassens, Léo Ferré, Serge Reggiani