Plume Latraverse : La vérité toute nue
Musique

Plume Latraverse : La vérité toute nue

Entre deux sabbatiques, Plume Latraverse trimballe son cynisme des grands jours. Une bouffée de fraîcheur dans une époque terriblement bien-pensante.

"Écoute, je n’ai pas le goût de raconter ma vie… mais mettons que j’avais une revanche à prendre. J’avais envie de varger dans le tas. On était étouffés par la religion…", dit Plume Latraverse lorsqu’on évoque quelques-unes de ses chansons les plus féroces: Les Pauvres, Bobépine, Vieux Neg ou La Ballade des caisses de 24

Fondamentalement, depuis 30 ans, les choses n’ont pas tellement changé, et encore moins avec son 25e album, Hors saisons. Le poète de la dérision carbure encore au cynisme ludique, à l’indignation, au parodique: "Chaque fois que je fais un disque, je vide le trop-plein de poison. Je caricature par le gros bout du crayon ce qui me dérange. Ensuite, quand le feu est éteint, je me demande si je pourrai en faire un autre…"

Justement, attablé dans un troquet parmi une petite faune d’habitués, Latraverse parle du disque suivant devant un gros pichet de bière jaune. Entre quelques souvenirs qui lui donnent un sourire d’ange cornu, il tient à expliquer les particularités de ce nouvel album dépouillé, fait avec une âme d’artisan nostalgique: "Je voulais faire un disque dans un très simple appareil rappelant l’ambiance des boîtes à chanson: un soubassement d’église avec des cruches de chianti et des pommes… J’ai connu ce climat, j’aimais terriblement… J’en suis là… Je peux me permettre de dire n’importe quoi, de faire mes caricatures comme je l’entends, la musique est crue et simple…"

Et des caricatures, sous ses boogie-woogies, blues et valses de baloche, Hors saisons en regorge: Les Niaiseuses, À tire l’Arigot, et surtout Trop s’en prennent insolemment aux travers du Québec ordinaire. Des accommodements raisonnables aux comités de déontologie dérisoires, l’affaire est en partie hilarante. Mais selon son habitude, ce vrai tendre, ce faux rugueux qui a déjà déclaré "La tendresse est bien plus tendre lorsque deux grosses briques cherchent à l’écraser" affiche aussi une part d’ombre et de sérieux où poésie et convictions se mêlent élégamment. C’est le cas du Migratoire, chanson de circonstance sur les nouveaux arrivants où son parti pris demeure sans équivoque: "La migration, c’est un peu comme le purgatoire. Si le monde se mettait à leur place deux ou trois hosties d’instants au lieu de taper sur les immigrants… C’est déjà assez dur de même, la vie, quand il faut en plus que tu t’intègres… On est tous des immigrés sur cette hostie de boule, des esprits de passage, et on s’organise comme on peut."

"J’arrête toujours aux six, sept ans. Parfois je fais des voyages; ne me trouvant pas assez instruit, je suis allé à l’université. Dans les années 90, je faisais de la rénovation avec une gang de chums." La distance et l’intégrité de Latraverse ont forgé un mythe persistant dont l’une des manifestations est le petit trafic de ses vinyles un peu partout en province et la persistance des sites Internet de fans: "Moins le monde te voit, plus il fabule. Je n’aime pas le vedettariat ni le mythe. Moi j’ai toujours eu l’impression que faire des spectacles, c’était comme si je m’en allais travailler en dessous de mon char. C’est un travail d’artisan. J’ai rien à foutre du showbiz. Savais-tu que ça coûte 1500 $ pour être en nomination à l’ADISQ? Payer pour avoir un prix? Je trouve ça franchement niaiseux!"

Dans le cadre du Festival de la chanson de Tadoussac
Le 14 juin
Sur la scène Desjardins

Plume Latraverse
Hors-Saisons
(Dragon/Select)