Paul Cargnello : T’en souviens-tu d’la langue?
Paul Cargnello participe à la fiesta de la Saint-Jean-Baptiste pour la première fois aux côtés des Zachary Richard, Loco Locass, Raoul Duguay, Xavier Caféïne et autres chantres québécois.
Toujours animée par Normand Brathwaite, la Saint-Jean ouvre néanmoins une brèche cette année: l’anglo Cargnello est convié à la fête. Il a bien fait de sortir un premier album en français l’an dernier (Brûler le jour) après trois opus en anglais. Ça lui a aussi permis de demander à quelques copains de faire les choeurs: Corcoran, Vallières, Ève Cournoyer, Fred Fortin ou Marco Calliari. Pourquoi ce virage franco? "Je viens de Montréal; les gens que je connais sont bilingues. Artistiquement, c’est une chance de pouvoir s’exprimer dans plusieurs langues, avec leurs particularités, leurs choses qui marchent ou non. Quand j’écris en français, j’ai la possibilité d’être plus simple et direct, alors qu’en anglais, c’est plus crypté: même les anglophones m’appellent pour me demander ce que je veux dire!" lance au téléphone Paul Cargnello, avec une pointe de moquerie dans la voix.
Cargnello groove maintenant en français dans le texte, et sa musique rappelle toujours un étrange métissage entre Tom Waits et Manu Chao. Comment a-t-il réagi face à l’invitation de se mêler aux fêtes du 24 juin? "C’est surprenant, mais je suis très heureux. Je n’ai jamais fêté une fête nationale dans ma vie. Celle du Canada, non plus. Je suis content, car je trouve que le Québec est en train de se redéfinir. Ça montre que même les non-nationalistes ont leur place ici. Je ne fais pas ça pour la fierté mais pour la diversité. Il y a un nouvel esprit au Québec. Et je fais aussi la fête du Canada, à Rimouski, avec Marco Calliari; nous sommes deux Italiens montréalais… La fierté, pour moi, c’est pour des accomplissements, pas pour la chance d’être né à tel endroit."
POLITIQUE QUOTIDIENNE
La diversité se vit au quotidien chez Paul Cargnello. "Mon claviériste est Haïtien; mon drummer est Québécois pure laine; mon frère et moi sommes des Anglos-Italiens!" Pour un soir fleurdelisé, Cargnello se joint également à Anik Jean, Alfa Rococo, France d’Amour, Musa Dieng Kala, Johanne Blouin, Samian. Vous reprendrez bien encore un peu de diversité? Qu’est-ce qu’il y a au menu de cette grande fête annuelle? "Chacun choisit une chanson, qu’il fait seul. Ensuite, on partage des morceaux avec les autres. On va jammer ensemble."
Le public de la Saint-Jean sera sans doute un peu différent des fidèles de Cargnello: "Les gens qui viennent me voir, même en région, sont assez proches de moi. Ils me ressemblent. Ils ont lu ma bio, checké mon site web. C’est très rare qu’il y ait des adéquistes parmi eux!" dit-il en souriant.
"Sur la scène musicale, mes amis sont principalement francophones. Parce que quand tu arrives à un certain niveau de succès (James Di Salvio; Rufus Wainwright), pour les anglophones au Québec, il y a deux choix: tu restes ici ou tu déménages. Quand tu chantes en anglais et que tu viens d’ici, il n’y a pas une radio qui va te faire jouer. Les grosses radios ne diffusent que de l’américain. Moi, avec mon album Brûler le jour, je croise toujours mes collègues francophones. Je ne sais pas combien de fois j’ai vu Loco Locass! On joue aux mêmes spectacles, aux mêmes endroits!"
La Saint-Jean, c’est le temps de l’année où on peut entendre à la radio les vieilles chansons de Paul Piché, les hymnes de Plume Latraverse. Est-ce qu’une nouvelle génération d’artistes québécois réussit à s’immiscer parmi ses aînés? Paul Cargnello, lui, trouve enfin sa place sur une scène nationale. Des portes s’ouvrent.
À voir si vous aimez /
La chanson québécoise, faire la fête, boire de la bière dans l’herbe