Renée Martel : Le grand pardon
Musique

Renée Martel : Le grand pardon

Après une décennie de résistance et de lente renaissance de l’âme et du corps, Renée Martel, l’enfant de la balle, reprend la route. Authentique, soutenue, admirée.

"C’est cute! Ça devait être la minijupe et les cheveux longs qui faisaient effet sur les p’tits gars…" dit la "cowgirl dorée", un brin perplexe à propos des confidences enamourées de ces quadragénaires, journalistes et artistes, qui lui confient qu’elle fut leur fantasme au détour des années 70.

Quoiqu’elle s’en étonne, elle a visiblement conservé de ces émois juvéniles un remarquable capital de sympathie chez des gens qui ne l’écoutaient plus guère avant ce nouvel album.

Treize chansons: Desjardins, Charlebois, Minville, Éric Goulet, De Larochellière, Valiquette, Tabra, Peluso et cinq ou six d’elle-même. Une effervescence qui l’a prise au dépourvu: "Il y a un an, je faisais le Vieux Clocher de Magog. J’étais terrifiée… Et puis c’est parti comme une balle! Il y avait tellement de demandes que j’en étais étourdie. Mais j’ai suivi le courant et puis plein d’auteurs-compositeurs sont venus."

La scène à 5 ans, 18 ans à traîner dans le sillage de son père, Marcel Martel, pionnier de la chanson, sans réfléchir. Des bars de campagne au Ranch à Willie, de Jeunesse d’aujourd’hui à la Place des Arts: "Jamais choisi! En fait, j’ai dû me rendre compte vers 20 ans que j’aurais pu faire autre chose…" Évidemment, ensuite, le déséquilibre des enfants de la balle: Judy Garland, Dolly Parton, Édith Piaf, Claude Dubois, tous candidats désignés à la dépression, au suicide, à la dépendance. "J’avais un tempérament calme et ça allait trop vite. J’étais extrêmement timide. Je ne voulais pas être là, mais fallait que j’y sois."

Pire. Car chez les Martel, de père en fille on est aussi mal chaussé, question souffle, que les cordonniers. Une dangereuse faiblesse respiratoire va lui faire perdre un demi-poumon en chirurgie et la confiner au silence durant plus de six ans: "Bronchectasie, dit-elle. Une faiblesse de famille qui a aussi emporté mon père. Mes bronches saignaient. L’opération a eu des effets secondaires. Je suis devenue asthmatique chronique pendant six ans. Je prenais 4500 mg de cortisone par jour. J’étais gonflée à bloc! Et puis les poumons se sont lentement, prudemment, stabilisés."

Amours, départs, absence, solitude, résignation, résurrection. Ces six mots pourraient stigmatiser son propos et celui des chansons qu’on lui a offertes: "C’est comme ça que mes auteurs m’ont vue. Et franchement, ça fait mon affaire. C’est là que j’en suis. C’est mon intégrité! Un peu de renoncement et aller de l’avant. À 61 ans, la vie, c’est ça!"

Peut-être, après le charme juvénile, est-ce désormais la sincérité de cette délicieuse sexagénaire revenue de loin qui prend tout le monde aux tripes: "Une journée, on a écouté 65 propositions de chansons!"

Près de la résignation, deux titres, Je t’ai toujours aimé et Le Coeur vagabond, sont chantés avec une grâce et une retenue remarquables. Comme s’il existait une amicale des asthmatiques, elle a, à ce sujet, un commentaire formidable, digne des éphémérités fugaces du Marcel Proust inquiet d’À la recherche du temps perdu: "Ce sont les cinq secondes où quelqu’un part et ferme la porte. Rien de définitif… cinq secondes… Juste dire ce moment."

Le 14 juin à 20h
Au Grand Théâtre
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