Herbie Hancock : Causerie zen avec Herbie
Un musicien, une légende. Herbie Hancock offre sur un plateau doré River: The Joni Letters au Festival de jazz d’Ottawa.
Véritable icône de la musique jazz, Herbie Hancock demeure quand même peu connu auprès des jeunes mélomanes. Ce temps semble révolu. Après plus de 40 années sur la route, Herbie Hancock ne montre aucun signe de fatigue: en février dernier, la légende du jazz remportait le Grammy du meilleur album de l’année avec son dernier opus, intitulé River: The Joni Letters, un hommage à Joni Mitchell. Parmi les collaborateurs, on retrouve entre autres Norah Jones, Tina Turner, Leonard Cohen ainsi que Mitchell elle-même!
Considéré comme le plus grand pianiste de jazz de tous les temps, Hancock se révèle également le précurseur du funk, du disco, du hip-hop et de la musique électronique. Sa collaboration avec Miles Davis au sein de la formation Second Great Quintet ainsi que son habileté à improviser et à expérimenter ont fait de lui un avant-gardiste pendant les années 60.
Cependant, depuis quelques années, Hancock se concentre davantage sur la relève. Son duo avec le jeune prodige Lang Lang lors de la soirée des Grammy’s, de même que sa prestation enlevante avec Sonya Kitchell au Playboy Jazz Festival, démontrent son appréciation des nouveaux talents. Kitchell assurera d’ailleurs la première partie du concert de Hancock au Festival international de jazz d’Ottawa le 22 juin prochain.
"La voix de Sonya est empreinte d’un genre d’innocence, de naïveté, presque", affirme-t-il, tout en insistant sur le brio de Lang Lang au piano. "Partager mes expériences avec ces jeunes artistes et les appuyer est le genre de choses que je me dois de faire maintenant", soutient-il. Aujourd’hui, Herbie Hancock entrevoit sa carrière sous un autre angle: "Il y a 12 ou 13 ans, j’ai compris que je n’étais pas un jazzman; c’est un style que je maîtrise, oui, mais ce n’est pas mon identité", explique-t-il d’un ton posé. "Je suis un père, un mari et un citoyen, mais avant tout je suis un être humain. Depuis, je tente de voir la musique en tant qu’être humain, et non seulement comme musicien; le potentiel qui en découle est incroyable."
L’influence qu’a exercée Hancock sur la musique moderne est indéniable. Son succès Rockit, récipiendaire d’un Grammy en 1983, comportait un soupçon de scratching; c’était la première fois que l’on entendait à la radio le fameux son d’un disque qu’on égratigne.
En 2001, l’album Future2Future, avec les DJ Rob Swift et Disk, explorait le côté "musical" de la table tournante, alors que les bidouillages avec Bill Laswell, au cours des années 80 et 90, ouvraient la porte au trip hop et à la musique expérimentale…
Après plus de 50 albums et d’innombrables contributions, Herbie perd quelquefois le fil de son parcours phénoménal; récemment, on a lancé une version remasterisée de l’album Hear O’Israel, enregistré pour le Friday Night Jewish Prayers à New York en 1968. L’oeuvre, composée par Jonathan Klein, regroupait les meilleurs musiciens de jazz de l’époque. Les rares exemplaires du disque s’envolèrent immédiatement, au risque d’effacer à jamais le souvenir du concert! "Je viens d’apprendre que j’avais joué sur cet album; on m’a demandé si je me souvenais de ce disque et d’un garçon d’origine juive, mais ça datait de longtemps!" avoue Herbie en riant.
Au lieu de puiser son inspiration dans son impressionnant catalogue, l’artiste préfère plutôt l’exploration. Lors de l’enregistrement de son album Possibilities, sorti en 2005, il s’est entouré de collaborateurs tels que Sting et Christina Aguilera. Bien que ses détracteurs aient raillé son côté expérimental tout au long de sa carrière, Hancock leur remet toujours la monnaie de leur pièce, tout en endisquant à répétition les succès.
Adepte du bouddhisme, il trouve dans la spiritualité un point d’ancrage à sa quête musicale. "Le bouddhisme me permet de réfléchir davantage sur le sens de ma vie. Dans ma jeunesse, j’ignorais le sens de l’accomplissement. Je suis convaincu que chaque personne peut apporter quelque chose de différent aux autres", renchérit-il.
Quoi qu’il en soit, il émanera toujours quelque chose d’unique de la musique de Herbie Hancock, alors que l’ensemble de son oeuvre passe à l’histoire. Visionnaire dans l’âme, l’homme anticipe les tendances, et se laisse aller à la réflexion: "La musique du futur devra s’inspirer des courants de pensée humanistes du 21e siècle. C’est une nécessité, car l’humanité devra faire face à des choix inévitables tôt ou tard, et nous devrons changer nos habitudes. La musique est le reflet de notre société, et nous devons nous orienter vers des valeurs plus humanistes, c’est la clé", conclut-il.
Le 22 juin dès 20h30
Au parc de la Confédération
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À écouter si vous aimez / Oscar Peterson, Kind of Blue de Miles Davis, l’oeuvre de Joni Mitchell