Normand Guilbeault : Métis sage
Pour son 10e anniversaire, le spectacle Riel: Plaidoyer musical de Normand Guilbeault se refait une jeunesse à l’Off Festival de jazz de Montréal.
Il y a une couple de sujets sur lesquels Normand Guilbeault est intarissable: en l’occurrence, le destin de Louis Riel et la musique de Charles Mingus. Et en un sens, le spectacle qu’il reprend au Cabaret Le Lion d’Or dans le cadre de l’Off Festival de jazz est à la croisée de ces deux passions. "Je n’oserais pas dire que Riel, c’est mon Fables of Faubus, mais c’est vrai qu’il y a une parenté", opine le contrebassiste-compositeur, dont on sait l’admiration pour le réquisitoire de son mentor contre les politiques racistes du gouverneur Orval Faubus d’Arkansas, par ailleurs intégré depuis belle lurette au répertoire de l’ensemble de Guilbeault, qui d’ailleurs enregistrait au Upstairs, ce printemps, un troisième album-hommage à Mingus.
Mais pourquoi Riel? "Ça faisait plusieurs fois que j’allais jouer dans l’Ouest canadien, toujours aussi surpris d’y entendre parler français, rappelle le compositeur. En 1995, je suis tombé sur un livre sur l’histoire de la nation métisse canadienne et j’ai été touché au coeur par cette histoire." Pour mémoire, rappelons que Louis David Riel, chef du peuple métis des Prairies et fondateur du Manitoba, a dirigé deux mouvements de résistance contre le gouvernement fédéral dans le but de protéger les droits et la culture des Métis dans les Territoires du Nord-Ouest. En 1885, cette "Rébellion" s’était conclue avec l’arrestation, le procès expéditif puis la pendaison de Riel pour "trahison", une mort qui eut des répercussions durables sur les relations entre le Québec et le Canada anglais.
Après trois ans de recherche intensive avec la précieuse collaboration de Bob Olivier, Guilbeault accouche du libretto et des partitions de ce qu’il reconnaît comme son opus le plus ambitieux. Créé au Festival de musique actuelle de Victoriaville, en 1998, et repris à quelques occasions depuis, Riel: Plaidoyer musical réunit sur scène pendant deux heures une dizaine d’improvisateurs chevronnés (parmi lesquels le percussionniste Pierre Tanguay, le trompettiste Ivanhoe Jolicoeur, le guitariste Sylvain Provost, le multisouffleur Jean Derome et le clarinettiste Mathieu Bélanger) et deux récitants, Fortner Anderson et Paul Chaput dans la nouvelle version. Peut-on parler d’un oratorio jazz? "Comme me l’avait fait remarquer je-ne-sais-plus-qui quand on l’a fait pour la première fois à Victo, c’est comme un opéra où les deux chanteurs ne chantent pas."
Revampée et réorchestrée pour cette re-création qui coïncide avec son dixième anniversaire, l’oeuvre n’a rien perdu de sa pertinence et de son actualité. "Un martyr, Riel l’a été, c’est sûr; mais à mes yeux, il incarne aussi le gouffre qui sépare les cultures fondatrices du Canada: la française, l’anglo-saxonne, l’autochtone et la métisse." Gouffre que Guilbeault s’évertue à combler en musique, avec sagesse.
Le 20 juin
Au Lion d’Or
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À écouter si vous aimez /
Charles Mingus, Charlie Haden’s Liberation Orchestra, John Zorn