Abbey Lincoln : Sophisticated Lady
Musique

Abbey Lincoln : Sophisticated Lady

À 77 ans, Abbey Lincoln nous offrait l’un des meilleurs albums de jazz vocal de l’an dernier. La voici de retour à Montréal pour explorer son vaste répertoire.

"J’ai été bénie en recevant le don de la musique, voilà tout", répond candidement Abbey Lincoln pour expliquer son extraordinaire longévité de créatrice.

Bénie, tu parles! Comme chanteuse, Anna Marie Woolridge (de son véritable nom) a fait ses débuts il y a un demi-siècle au sein du big band de Benny Carter, a côtoyé les plus grands de la deuxième génération du bop (Sonny Rollins, Eric Dolphy, Kenny Dorham, etc.), a été la muse et la compagne du batteur Max Roach à l’époque de ses aventures politico-musicales (The Freedom Now Suite) puis s’est imposée comme une exceptionnelle auteure de chansons. Un parcours exemplaire, avec ses hauts et ses bas, certes, mais qu’elle n’a pas tort de voir comme le fruit d’une bénédiction.

À l’instar de la voix de son héroïne Billie Holiday (à qui elle consacrait deux albums-hommages il y a 20 ans), celle d’Abbey Lincoln s’est faite plus rauque au fil des ans, moins chatoyante. Elle n’en a pas pour autant perdu son expressivité et sa capacité d’émouvoir, ainsi qu’en témoignait Abbey Sings Abbey, assurément l’un des meilleurs albums de jazz vocal de 2007, un recueil de ses propres compositions, sobrement orchestrées dans une ambiance country-blues. "C’est ma musique, c’est à travers elle que je fais entendre ma voix, que je prends position, d’insister la diva. Je n’ai plus à chanter ce que d’autres ont écrit, j’ai la liberté d’exprimer ma pensée, mes émotions."

Même si cette soif de liberté ne l’a pas toujours servie dans une industrie qui privilégie des artistes inoffensifs et dociles, Abbey Lincoln l’affiche toujours aussi farouchement. Quand on lui demande ce qu’elle considère comme sa plus grande réussite, l’artiste qui se réclame de Duke Ellington ne peut s’empêcher de rigoler un peu. "Ma plus grande réussite? J’imagine que ç’a été de savoir quand dire oui et quand dire non à ce qu’on me proposait. Les projets sans âme, je les ai refusés. Comme actrice, j’ai tourné avec Sidney Poitier et Ivan Dixon. Comme musicienne, j’ai enregistré les disques que je voulais, avec des musiciens que j’aimais. J’ai vraiment été bénie, je vous dis. Et j’en remercie le ciel." Quant aux regrets…? "Je n’en ai pas. Pourquoi donc serais-je mécontente? Qu’est-ce que je pourrais demander de plus? Je suis une auteure-compositrice dont d’autres enregistrent les chansons, alors quel droit aurais-je de me plaindre?"

En effet. Et c’est avec fierté et lyrisme même qu’Abbey Lincoln évoque par exemple The Music Is the Magic, cette chanson emblématique, standard en devenir que lui ont déjà emprunté quelques interprètes (notamment Jacey Falk, Kelley Johnson, Jenna Mammina et Kendra Shanks): "Je le pense sincèrement, vous savez. La musique, c’est cette magie d’un monde secret, un monde intime, un refuge. Un refuge."

Le 2 juillet
Au Théâtre Maisonneuve de la PdA
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À écouter si vous aimez /
Billie Holiday, Betty Carter, Nina Simone