Wailers : L'art d'apprêter les restes
Musique

Wailers : L’art d’apprêter les restes

Quarante-cinq ans après leur hasardeuse naissance, les Wailers continuent de propager le message de fraternité de leur fondateur à travers des vertus de partage franchement plus concrètes.

Ils s’appelaient Bob Marley and the Wailers.

Prosaïquement, lorsque Bob disparut en 1981, restaient les Wailers, groupe pas très net, empli d’egos et de fêlés divers.

Après le départ de Bunny Wailer, l’assassinat de Peter Tosh et du batteur Carlton Barrett par sa ménagère, c’est désormais autour de son frère – Aston, bassiste attitré des Wailers depuis 1971 et personnage truculent (surnommé Familyman en "hommage" à ses 52 enfants avoués) – que persiste la formation née en 1963!

Composé de quatre vieux de la vieille qui se partagent prudemment les tournées et de deux jeunots, la mouture 2008 des Wailers a retrouvé son chanteur de 2003; Don Elan, latino et juif, fan de reggae depuis toujours, auteur d’un bon album solo du genre en 2006. Un p’tit garçon élevé à la dure, pour qui le reggae a toujours représenté la rédemption: "On a eu des enfances assez féroces ici. On se croyait invincibles, on faisait n’importe quoi! J’ai perdu des amis… Dieu merci, les chansons de Bob et des Wailers m’ont sauvé, m’ont fait comprendre que la vie était précieuse…" dit-il depuis Los Angeles.

En camouflage militaire, look plus FARC colombien que rasta, moustache à la Errol Flynn, Elan n’a apparemment guère que sa voix, remarquablement similaire, pour le rapprocher de Marley: "Oui, j’ai naturellement ce même timbre râpeux. Mais ce n’est pas de l’imitation; je crois en ces chansons! Je les chante en accord avec leurs messages universels de paix et d’amour", dit-il, probablement conscient d’émuler l’un des grands génies instinctifs du 20e siècle.

Les Wailers, qui ont commis deux albums depuis la mort de Marley, ont ajouté sans gêne à leur répertoire quelques chansons d’Elan datant de ses débuts impromptus avec le groupe en Iowa, l’un des États paradoxalement les plus blancs d’Amérique. Que ces lieux qu’il a jadis visités baignent actuellement dans 15 pieds d’eau ne cesse de le surprendre: "On était à Des Moines, il y a trois mois. Waw! Maintenant, c’est un lac!"

Ce dérèglement climatique ne nous fera pas pour autant nécessairement évoquer l’écologie ou la démographie locale, mais plutôt les conséquences attendues de cette catastrophe naturelle sur la hausse du prix du maïs, culture dont l’Iowa est le champion mondial.

Pourquoi cet intérêt bizarre? "Parce que nous avons fondé Iamhungry.com en association avec le Programme alimentaire mondial de l’ONU. Nous invitons acteurs, comédiens, musiciens, à renoncer aux frais de "traiteur" offerts lors de concerts et tournages. Nous demandons que cet argent, qui part souvent aux poubelles, soit remis par les promoteurs à notre association caritative."

Il n’est plus question de musique. Le type s’emporte, intarissable: "C’est 25 000 personnes qui meurent de malnutrition, quotidiennement, de par le monde. Une personne crève de faim toutes les six secondes! On jette 50 000 tonnes de bouffe par jour aux USA! Et pourtant, ça coûte 25 cents par jour pour nourrir un enfant dans les pays les plus touchés! Que valent les autres problèmes comparativement à ça? Il faut comprendre cette banale urgence!"

Non, nous ne parlerons pas de No Woman No Cry, de I Shot the Sheriff, ou pire; des précieux inédits que Familyman lui a fait entendre hier.

Mais peut-être ceci est-il, après tout, bien plus près de la musique que tout le reste.

Le 7 juillet à 21h30
À la place D’Youville
Au Festival d’été de Québec
Voir calendrier World/Reggae

À écouter si vous aimez /
Peter Tosh, Bunny Wailer, Third World.