Grand Corps Malade : Des mots qui sonnent
Grand Corps Malade défie les clichés du slam avec une deuxième production qui impose une philosophie salvatrice.
Depuis la sortie de l’album Midi 20 il y a deux ans, Grand Corps Malade est devenu un phénomène sans précédent. Un repère, même, tellement que nous pouvons maintenant dire qu’il y a eu l’avant et l’après-Grand Corps Malade. L’avant, quand le slam était encore un fait local et insulaire, une forme d’expression qui correspondait à la réalité des banlieues de Paris, où certaines personnes "sans instru" deviennent poètes. Et l’après, avec l’avènement de Grand Corps Malade qui, pourvu d’un contrat de disque, s’exporte et remplit des salles de concert.
Une suite logique après un premier album qui allait imposer à Fabien Marsaud le rôle d’ambassadeur et de porte-parole. Il est le premier. Le premier slameur qui a su profiter d’une tribune et qui s’est retrouvé au front. Il est devenu le vulgarisateur d’une forme d’expression a capella qui était considérée comme marginale.
Cette situation, Grand Corps Malade l’a dominée avec une maturité et une éloquence appuyées par une voix de baryton imposante. Tout en se dissociant des clichés, il a démocratisé un art et défriché un territoire pour ceux qui allaient suivre. "D’un seul coup, je me suis retrouvé dans une situation où je devais expliquer ce que je faisais et d’où je venais, se rappelle-t-il. Dans ces circonstances, on ne parle plus uniquement de son travail, mais bien de son identité. J’étais celui qui représentait le slam, et c’est vrai qu’au départ c’était pour moi une surprise. Je ne m’imaginais pas du tout que cette dynamique se répéterait à une telle fréquence. Assez rapidement, on constate que c’est une vitrine médiatique positive et on comprend que c’est une responsabilité. C’était important de souligner que le slam, c’est autre chose. Ce que je fais sur disque ou en spectacle, c’est un dérivé issu d’une scène qui existe à l’état pur et qui est ouverte à tous ceux qui veulent s’exprimer. J’ai l’impression que les gens ont compris et c’est tant mieux. Le slam est maintenant à la barre."
Après un nouvel album qui vient de paraître, le voici sur une nouvelle lancée. Son deuxième disque, Enfant de la ville, est en quelque sorte un passage obligé qui détermine la trempe d’un artiste et sa raison d’être. Un album qui peut l’affranchir d’un succès que certains pourraient qualifier de circonstanciel. Si sa popularité est un atout, Grand Corps Malade semble quand même garder ses racines en mémoire, comme un trésor identitaire qui met de l’avant un message d’espoir. Sans être un modèle, il reconnaît tout de même l’inspiration que peut procurer sa réussite à ceux qui l’observent.
Il pourrait s’attarder sur les puristes qui dénoncent toute forme de compromis. Mais chez lui, c’est surtout l’ouverture qui prime. Le slameur communique sans préjugés et sans réserve et s’accorde le droit d’embellir musicalement ses mots pour atteindre sans limites. "La musique est très importante pour moi, indique-t-il. De plus en plus, même. Les arrangements ont été élaborés avec soin pour ce deuxième disque. Quand je suis rendu à cette étape, je supervise tout. Bien entendu, le choix d’un arrangeur ou d’un musicien avec qui on pourra travailler est primordial. Il faut qu’il comprenne l’atmosphère générale que j’impose dans l’interprétation d’un texte pour en faire une juste traduction. Il faut que ça corresponde au rythme qui se dégage de l’écriture. Le rythme des mots, c’est fondamental. Je n’écris pas la musique, ce n’est pas mon métier, mais ces musiciens doivent saisir les idées que je projette et que j’entends, des idées musicales qui composent en quelque sorte une mise en scène pour une histoire et des sentiments bien précis."
Les sujets qu’il aborde sur cette deuxième production ont été choisis sans entraves. Il y endosse une vision de la vie au pluriel qui se dissocie d’une vision pamphlétaire, et s’attarde sur des anecdotes qu’il passe au microscope de la poésie. La dénonciation est toujours présente, mais révèle aussi une autre dimension du personnage qu’il a imposé. "Avec le temps, j’ai l’impression que les gens comprennent que j’ai aussi un sens de l’humour, constate-t-il. Le nom que j’ai choisi entraînait peut-être une perception ténébreuse, mais il y a plusieurs facettes dans une personnalité. J’aime varier les thèmes. C’est peut-être efficace pour certains d’être au premier degré et d’être plus durs avec les mots. Je comprends qu’il y a des sujets qui peuvent inspirer cette attitude mais, pour moi, ce serait impossible de m’enfermer dans cette expression. L’écriture doit rester un exercice spontané qui emprunte des chemins imprévus. Il n’y a pas de pathos qui s’impose dans le slam."
Le 13 juillet à 21h45
Au parc de la Francophonie
Au Festival d’été de Québec
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À écouter si vous aimez /
Ivy, Souleymane Diamanka, Oxmo Puccino