Catherine Ringer : À la vie, à la mort
Musique

Catherine Ringer : À la vie, à la mort

Catherine Ringer a connu une année difficile. La chanson, la musique et la scène l’aident heureusement à tenir le coup. On l’attend avec amour aux FrancoFolies.

Ce fut un choc pour tout le monde lorsque, le 28 novembre 2007, nous apprîmes le décès de Fred Chichin, guitariste et guide spirituel des Rita Mitsouko, le groupe pop iconoclaste qu’il avait fondé avec sa conjointe, la chanteuse, danseuse, performeuse et actrice Catherine Ringer, en 1980. Une claque, comme lorsqu’on perd un être cher.

Même si la plupart des fans du duo ne connaissaient pas personnellement le fantomatique guitariste, tous savaient qu’il était celui qui menait le navire. Compositeur, arrangeur, créateur, c’est lui qui a su voir en Catherine Ringer tout son potentiel. C’est pourquoi nous avons tous su qu’avec son départ, cela signifiait pour ainsi dire la fin de l’épopée Mitsouko… mais pas celle de Catherine Ringer. "Je suis très contente de venir présenter ce concert qu’on avait monté le printemps de l’année dernière avec Fred. Je l’ai présenté sans lui à quelques reprises quand je croyais qu’il était simplement malade et qu’il allait s’en remettre. On est allés à l’étranger, en Écosse et ailleurs, et on était tristes qu’il ne soit pas avec nous, car pour une fois qu’on pouvait jouer en dehors de la francophonie dans de bonnes conditions et qu’on a obtenu un bon succès…", raconte tristement la chanteuse éplorée.

On aurait voulu ne pas lui parler de la mort de son compagnon et complice, mais comment éviter un tel sujet? Comment causer de ce spectacle Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko sans faire la moindre allusion au drame… Parce qu’elle a dû la raconter cette histoire, cette mort, ce deuil… Elle doit en avoir marre, ne plus avoir envie d’en parler! À ma grande surprise, c’est tout le contraire. Catherine Ringer plonge dans le vif du sujet sans se faire prier. "C’est ce même spectacle que nous reprenons, sans Fred, comme quand il était malade, et c’est ça qu’on va vous présenter. Il va y avoir quelques reprises en plus, mais de toute façon, on a toujours fait des reprises avec les Rita. Ce sera donc plusieurs chansons du dernier disque Variéty ainsi que des chansons plus anciennes qu’on avait envie de jouer. Alors c’est Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko parce que les Rita Mitsouko, c’était deux personnes: Fred, qui était compositeur, arrangeur et producteur, et moi, qui écrit les textes… Puis, quand il est mort, je me suis demandé… (elle pousse un long soupir)… j’ai pensé changer de nom. Je pensais m’appeler Tamiks, puis je trouvais que ça ne sonnait pas bien, que les gens allaient se demander c’est quoi ce truc… Et comme on a toujours dit que les Rita Mitsouko, c’est Fréderic Chichin et Catherine Ringer, j’ai pensé que ce serait bien plus simple de garder mon nom. Donc Catherine Ringer chante… Elle chante quoi? Ben, elle chante le répertoire des Rita pour l’instant. C’est la continuation des Rita sans Fred, c’est tout… Enfin, sans Fred, c’est pas tout, c’est beaucoup", se ravise-t-elle, la voix étreinte par l’émotion. "Il n’y aura plus jamais de Rita Mitsouko, à moins que ce soit des live ou des enregistrements qui ont été faits avant. J’ai quelques enregistrements de1991, captés à la Cigale. Et y’a les images aussi!"

THE SHOW MUST GO ON

Quand on lui demande si, pendant un moment, elle a songé à abandonner la musique et la scène, la réponse ne se fait pas attendre. "J’ai toujours fait ça depuis que je suis adolescente! Jamais je n’ai pensé abandonner. J’ai commencé à écrire quelques textes, des idées de chanson, et plusieurs musiciens ont proposé de m’aider ou de collaborer avec moi. Donc, oui, je vais continuer à chanter et à endisquer. Et je ne pense pas que je vais arrêter de chanter du Rita Mitsouko, rajoute-t-elle. Fred m’a poussée à continuer sans lui. Déjà, il m’avait bien encouragée à poursuivre quand il avait été malade en 2001. Il m’avait dit: "Tu sais, toi, tu aimes la scène et moi, ça ne m’intéresse plus tellement. Tu pourrais continuer sans moi". Mais on nous disait: "Que vont penser les gens?". Et nous, on répondait que si le spectacle est bien, les gens vont aimer! On n’est pas obligé de garder toujours le même truc! Donc, j’ai fait des concerts sans lui à cette époque, et ça s’est très bien déroulé, comme les spectacles que j’ai donnés avant et depuis sa mort. Il ne voulait surtout pas que j’annule les concerts prévus. Pour lui, c’était le chanteur (ici la chanteuse) qui comptait, la personne qui est au devant de la scène."

À ces mots, on acquiesce en disant que Fred Chichin était plutôt discret sur scène, qu’il ne prenait pas beaucoup de place. "Il était peut-être très discret mais il avait une présence musicale, et son absence se fait sentir, précise Catherine. Ça faisait 28 ans qu’on travaillait ensemble. Y’a une émotion, y’a quelque chose qui manque. Je pense qu’il y a des gens qui doivent le réaliser même si lui pensait qu’on ne remarquerait même pas son absence. Fred amenait énormément aux Rita. Tout le côté production, l’orchestration, la structure des chansons, l’organisation. C’est lui qui a monté le groupe et qui le tenait; il m’a encouragée à faire plus, à aller plus loin. Il m’a vraiment poussée. Moi, je suis une paresseuse mais lui, il était doué et travailleur. C’était un type très inventif, rêveur et innovateur aussi. Il a été un des premiers musiciens à Paris à utiliser un synthétiseur avec Jean-Michel Jarre durant les années 70. Il avait travaillé avec des orchestres de musique contemporaine, fait de la prise de son pour eux; il était passionné de Pierre Henri, mais il aimait aussi le rock et le punk. Il amenait tellement…" La voix de Catherine se noue… On la sent fragile, vulnérable, puis tout d’un coup, elle éclate en sanglots. Toute la peine qu’elle tente de refouler remonte à l’évocation de son amour disparu et là, c’est le journaliste, à son tour, qui a la larme à l’oeil. L’émotion est palpable au bout du fil. Difficile de rester insensible à la fragilité et la tristesse de cette artiste qui semble si forte, si téméraire lorsqu’on la voit sur une scène et qui, là, fond en larmes comme une petite fille esseulée. "Ne t’en fais pas, ça me fait du bien d’en parler, s’excuse-t-elle entre deux pleurs. Je ne peux pas le refouler. Ça va me faire du bien de venir chez vous; ça va me changer les idées. Ça va être une émotion particulière et j’espère que les gens seront contents…"

Catherine Ringer aura besoin d’un gros câlin aux Francos. Serez-vous là pour le lui donner?

Le 27 juillet
Au Métropolis

À écouter si vous aimez /
Les Rita Mitsouko, Elli & Jacno, Niagara