Paul McCartney : Hey Paul
Presque rien avant, peu après. Aussi affable que cynique, aussi génial que puéril, Paul McCartney a tout inventé avec John Lennon. Une série de courtes anecdotes attachantes assorties de suggestions musicales permettront peut-être de pressentir la remarquable complexité du personnage qui passe inopinément célébrer les 400 ans de Québec. De A à Z ou presque.
Argent: All You Need Is Love?
En 2006, Sir Paul McCartney a déclaré des revenus de 56 millions, loin derrière U2 (134 M $) et les Rolling Stones (96 M $). Selon Forbes, sa fortune personnelle se serait élevée à 1,14 milliard en 2003. À la suite de son récent divorce, il serait en voie d’être rattrapé par Andrew Lloyd Weber (Cats, Evita), qui ne revendique pourtant qu’un maigre 800 millions!
Birds: Norwegian Wood (This Bird Has Flown)
Dans le vocabulaire prudent des années 60, McCartney utilisait cette expression discrète, quasi poétique, pour évoquer ses rencontres d’un soir. Selon son entourage, le nombre de "birds" venus se poser sur son épaule influait, plus que toute autre chose, sur les humeurs de ce jeune garçon incapable de supporter la solitude.
Collection: While My Guitar Gently Weeps
Incontestablement le plus grand collectionneur d’artéfacts des Beatles, McCartney a reconstitué dans sa ferme d’Écosse un studio d’époque avec équipements et instruments originaux, dont une batterie offerte par Ringo. En 2003, une guitare Rickenbacker 64 inutilisée, mais autographiée par les quatre Beatles, s’est vendue 160 000 $ à Tokyo.
Droits: Ebony and Ivory
On ne connaît à Sir Paul qu’un seul regret financier: avoir laissé filer 37 % des revenus de 250 des chansons des Beatles (dont il ne possède que 15 % des droits) entre les mains de Michael Jackson pour 47 millions. Très amer de cette "trahison", il s’en tira par une pirouette: "Lennon et moi avons composé ces chansons autour d’une ou deux tasses de café. Je trouvais que 50 millions, ça revenait cher le café!"
Fans: She Came In through the Bathroom Window
En 1995, au détour d’une sortie de métro où il tourne en caméra cachée un bout de clip, McCartney s’approche d’un musicien itinérant qui chante Yesterday et termine le dernier couplet a capella avec lui. Terrifié et incrédule, le type s’enfuit à toutes jambes: "Il a dû s’empresser de raconter ça à ses amis qui n’ont évidemment pas dû le croire… ce qui est encore plus drôle!"
Gérant: Taxman
Longtemps considéré comme un génie pour avoir su "prédire" le potentiel du groupe, les dernières années ont relégué Brian Epstein, premier gérant des Beatles, au titre d’incompétent relatif, enfoncé dans une vie dangereusement dissolue qui faillit ruiner le groupe. Subséquemment, McCartney gardera à distance tout ce qui s’approche trop près, en validant le congédiement de presque tous les complices de la première heure, y compris George Martin: "Il n’y a jamais eu et n’y aura jamais de cinquième Beatle", dit-il.
Harrison, George: When We Was Fab
Le 1er juillet 2008, McCartney, auquel on reprocha sa froideur lors de la mort de Lennon, raconte à propos de celle de Harrison: "C’est étrange, même au sommet de notre amitié, en tant que garçons, nous ne nous étions jamais serré la main. Quelques jours avant son décès, en novembre 2001, je suis resté à New York plusieurs heures dans sa chambre d’hôpital alors qu’il était au plus mal. Les années ont coulé devant nous comme des larmes. C’était mon petit frère qui s’en allait."
Incident: Band on the Run
En 1995, un banal vol dans une bijouterie de Londres risque de tourner au cauchemar total pour les policiers de la City lorsque qu’ils apprennent que parmi les clients brièvement coincés dans le commerce se trouve un certain McCartney. Les voleurs, avant de se rendre sans résistance, lui réclament un autographe!
John Lennon: How Do You Sleep?
Formidable complicité créatrice, fatalement alimentée de rancunes et de regrets, la relation McCartney-Lennon n’a pas fini de faire jaser. Incidence actuellement significative, McCartney dit à propos de ses dernières chansons plutôt médiocres: "On me suggère des collaborations. Je ne peux pas vraiment, car rien ne sera jamais aussi fabuleux que de travailler avec John."
LSD: Lucy in the Sky with Diamonds
Contrairement à ses collègues, McCartney se mettra tardivement et brièvement au LSD fin 1966. Durant ce premier trip, il aura l’impression de "se dissoudre dans Lennon" et baptise ce dernier "empereur de l’éternité". À San Francisco, il découvre le lien entre LSD et créativité qui influencera Sgt Pepper’s. Le 19 juin 67, il déclare: "Le LSD a fait de moi un membre plus tolérant de la société." Le tollé sera énorme.
Mort: Helter Skelter
Le 10 octobre 1969, un disc-jockey de Detroit annonce que Paul McCartney serait décédé dans un accident de voiture depuis trois ans déjà, étant désormais "remplacé" par le gagnant d’un concours de sosies nommé William Campbell. Des milliers de fans cherchent d’abord des indices de ce formidable complot sur la pochette d’Abbey Road, dont les ventes avoisineront le million après quatre semaines. Ils entendent (entre autres) sur Strawberry Fields Forever: "I burried Paul", et sur Revolution no. 9: "Turn me on dead man". Dix jours plus tard, le "cadavre" déclare: "Visiblement, si j’étais mort, je serais le dernier à le savoir!"
Nutters: Your Mother Should Know
"Nutters" est l’expression utilisée par McCartney pour évoquer les masses de cinglés qui cherchent dans ses chansons des messages mystiques. Interrogé sur la folie des collectionneurs qui se jettent sur photos, effigies, perruques et boîtes à lunch vintage, McCartney dit, avec cet humour cynique qui le caractérise: "Ah! les braves gens. Quel bon goût."
Patates: I Am the Walrus
Cuisinier approximatif, McCartney présente sa recette de patates pilées sur YouTube. Sel de mer organique, oignon, lait de soja, persil… http://fr.youtube.com/watch?v=WyyEc-GNDfQ
Rupture: The End
En octobre 1969, Lennon dit aux trois autres: "I’m leaving." McCartney sombre dans une lourde dépression: "Lorsque j’arrivais à me lever, je prenais un scotch en sortant du lit." Il fait promettre à Lennon de ne rien annoncer publiquement, puis part se consoler en plantant des arbres en Écosse. En avril 70, il fait lui-même l’annonce de son propre départ, provoquant la rage de Lennon qui compose How Do You Sleep?, l’accusant de fourberie autant que d’inconscience politique.
Sécurité: Run for Your Life
Plus encore que la piètre qualité sonore des concerts, c’est la crainte d’être assassinés aux États-Unis comme Martin Luther King et Bobby Kennedy qui pousse les Beatles à quitter la scène. Lors de la mort de Lennon, le premier réflexe de McCartney fut de faire poster un garde derrière chaque arbre de sa propriété. Alors qu’il fait lui-même l’objet chaque année de douzaines de menaces de mort, l’attentat contre Harrison le 30 décembre 1999, qui laissera au guitariste de 56 ans un poumon perforé, donnera à l’ex-Beatle une seconde fois raison.
Végétarien: Ram
Dînant, vers 1973, de deux jarrets d’agneau dans un restaurant de campagne, Linda et Paul McCartney voient passer dans le pré un groupe de jolis petits moutons blancs: "C’en fut fini de la viande pour toujours." Sur le site de l’organisation radicale de protection des animaux PETA, McCartney déclare cette année: "Je ne comprends pas pourquoi les organisations écologiques ne mettent pas le végétarisme au sommet de leurs priorités."
Yesterday
En 63 et 64, McCartney rumine une mélodie entendue en rêve: "C’était là, comme un oeuf, subitement, presque parfait." Il fredonne interminablement sur ces trois premières notes les mots "scrambled eggs" (oeufs brouillés) jusqu’à ce que, le l2 janvier 1965, entre Lisbonne et Cadix, lors de vacances amères avec Jane Asher, il murmure dans un taxi: "yes-ter-day". Yesterday deviendra le titre le plus endisqué et le plus tourné en radio de tous les temps.
Le 20 juillet à 19h30
Sur les plaines d’Abraham
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À lire /
The Beatles: The Biography, Bob Spitz, Back Bay Books, 2005.
I Me Mine, George Harrison, Simon & Schuster, 1980.
Le chapitre "Beatles" dans The Rolling Stone Interviews, Paperback, 1985.
The Lives of John Lennon, Albert Goldman, William Morrow, 1988.