Thomas Dutronc : Bon sang ne saurait mentir
Fils des icônes yé-yé Jacques Dutronc et Françoise Hardy, Thomas Dutronc revendique cependant sa part de l’âme gitane d’un certain Django.
Timide, Thomas Dutronc? Au téléphone, je l’ai plutôt trouvé rigolo, à l’image des chansons de Comme un Manouche sans guitare, son premier album, qui combine la désinvolte ironie de son père et le swing irrésistible de ce jazz gitan, imposé dans le Paris de l’entre-deux-guerres par le Quintette du Hot Club de France de Django Reinhardt et Stéphane Grappelli. Car Dutronc fils a beau être entré en musique comme on entre en religion, via notamment le Gipsy Project de Birelli Lagrène, il a fini par se tourner vers la chanson. "Par osmose", raille celui dont l’album débute par cet aveu candide: Jeune, je ne savais rien. Mais qu’a-t-il appris depuis, le guitariste et chanteur à l’humour pince-sans-rire? "Ben, que je ne sais rien", rigole-t-il.
Cela dit, le virage "chanson" ne s’est pas fait en un jour, même si des collaborations avec papa et maman (comme musicien et producteur) de même qu’Henri Salvador (comme parolier) et une solide amitié avec Mathieu Chédid (alias M) en laissaient entrevoir les prémices. "Ça s’est fait petit à petit, d’expliquer le jeune homme de 35 ans. Je jouais déjà dans plusieurs groupes. Un jour, j’ai monté un spectacle musical très varié, qui était comme une main tendue vers le public, où on alternait entre le jazz manouche bien sûr, le jazz plus jazz, mais aussi du disco et du délire, de la déconnade avec la chanson Les Frites, bordel! On était tous des personnages, on avait des costumes, il y avait toute une mise en scène aussi."
Le côté théâtral et éclaté de cette première production dont l’artiste se dit fier aurait, de son propre aveu, peut-être nécessité une captation sur DVD. On le retrouve néanmoins, dans une moindre mesure, sur le CD qui témoigne d’une certaine diversité d’inspiration, même si le projet s’est davantage recentré autour de chansons originales et de quelques standards instrumentaux. On pourrait concevoir l’album comme l’expression d’une volonté de tromper les attentes. "On essaie toujours de m’enfermer sous une étiquette: le "fils de…", le jazz manouche et je ne sais quoi encore… Moi, j’essaie vraiment d’échapper à tout ça, parce que pour devenir Thomas, il ne faut justement pas avoir d’étiquette."
À l’instar du regretté Salvador (qu’il appréciait davantage comme swinger que comme crooner) ou de M, Thomas Dutronc brosse en chansons le contour d’un univers parfois proche de la BD, un brin surréaliste, farci de calembours et de clins d’oeil, où la légèreté n’exclut pas une certaine critique sociale – on n’en citera pour preuve que la redoutable NASDAQ, portrait grinçant de ces golden boys sans foi ni loi de la finance, qui évoque en version hard le J’suis snob de Boris Vian. Un univers riche qu’on se plaira à explorer en sa compagnie lors de ses prestations à l’Espace 400e.
Le 3 août à 20h
À l’Espace 400e
À écouter si vous aimez /
Boris Vian, Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc