Véronique Sanson : Désir égale danger
Musique

Véronique Sanson : Désir égale danger

Non, Véronique Sanson ne regrette toujours pas d’avoir dit à Michel Berger, après quatre ans de vie commune: "Je sors chercher des cigarettes" et de n’être jamais revenue.

Si la blonde lumineuse ne tient plus tellement à évoquer cette "blague" meurtrière passée depuis longtemps au rayon des profits et pertes, il y a tout de même là-dedans beaucoup d’elle-même et pas mal de ses chansons: "Il faut la foudre, il faut le tonnerre, il faut la lâcheté, il faut la fuite! Il faut beaucoup de choses pour écrire. Si on passe sa vie à regretter, ça fait une existence impossible… Ah, comment vous dire…", hésite-t-elle longuement, depuis Paris. Pendant qu’elle cherche ses mots et que, derrière, un canari désespéré gueule, 40 ans de métier remontent: sur ces live et compilations très denses qu’elle multiplie depuis des mois, certains titres datent de ses 18 ans: 1968!

On lui concède, bien avant ses pairs, d’avoir été la première authentique auteure-compositrice moderne, si ce n’est de Barbara, avec laquelle elle partage les déchirures amoureuses d’une hyper-émotivité tragique: "Mon ami, ça, y’a pas besoin d’exégète pour le comprendre! ricane-t-elle. Mais j’ai jamais "mouru". Je suis encore là! Le courage, ça vient tout seul… quand on n’a pas le choix… Y’avait pas tellement de femmes, même à cette époque de conscientisation. Elles étaient tellement "machisées" par les hommes…".

Désirs et dangers: Sans Regrets, Le Maudit, Vancouver, Mortelles pensées…, autant de classiques qui sont un affrontement perpétuel des dépendances affectives, une oscillation constante entre les regrets et des envies, que l’on soulage comme on peut. À ce chapitre, son autobiographie, La douceur du danger, étale au grand jour ses toxicomanies. Et la revoici qui saute encore à pieds joints, sans pudeur sur quelque tendancieuse analyse de la part d’ombre de ses inspirations: "L’alcool féminin, ce n’est pas comme l’alcool masculin! Un type qui tombe par terre, on dit que c’est un bon vivant… ou un bon mourant. Mais les filles qui font pareil, ce sont des salopes…!"

Je lui propose une citation d’Anthony Hopkins qui l’enchante: "L’alcool peut être une remarquable source de créativité, j’en ai abusé. Mais tout le monde l’a fait! réplique-elle vivement. Regarde Rimbaud! Regarde Beethoven… c’est chimique! Ça ouvre des molécules… Ah! c’est compliqué… L’ecstasy, ça, c’est bien le seul truc que j’ai jamais pris!"

Retour à la grande histoire de la chanson. Particulièrement à cette césure, du temps de Hollywood, lorsqu’elle quitte la France pour épouser le Stephen Stills de Crosby, Stills, Nash & Young vers 1972, dont elle aura un fils: "J’ai toujours adoré la musique américaine, mais ca n’a pas été facile. Ils étaient terriblement racistes avec une petite blanche française… Maintenant le problème, c’est que là-bas, les disques sont faits de manière chirurgicale. Or moi, ça m’emmerde. Je déteste les studios! C’est assommant! J’aime les erreurs. Je veux toujours jouer comme si j’étais sur scène."

Elle dit, comme dans un brouillard: "Ça me fait plaisir d’être aimée. Or, c’est dramatique! Jamais personne ne me dira: "Oh! T’es belle!" On ne me considère pas comme une femme, mais comme une musicienne…".

Musicienne et pianiste de haut vol, romantiquement attachée à un vieux piano mourant dont elle parle toujours au féminin: "Je l’appelle La Noiraude. Elle est tellement vieille la pauvre… Je ne la ferai jamais abattre, mais je ne l’emmène plus avec moi… C’est mon amie. Elle sait quand je rate une touche, et parfois, on se fait la gueule."

Faut-il le dire? La légende va prendre l’avion pour l’Amérique sans son piano, et surtout, à ses risques et périls: "Je suis morte de trouille! Je n’ai pas le droit de prendre l’avion! J’ai une maladie génétique. Il faut que je passe trois prises de sang avant, à cause de la coagulation. Il y a pire, mais c’est contraignant. J’ai déjà subi une embolie pulmonaire en avion. Selon mes médecins, j’ai huit facteurs sanguins mutants. Bref, je suis une mutante!"

Le 26 juillet
Au Théâtre Maisonneuve
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À écouter si vous aimez /
Diane Dufresne, Barbara, Nicole Croisille