Alela Diane : L’enfance de l’art
Sans doute une des plus belles prises au rayon des découvertes de l’International de musique folk cette année, Alela Diane s’avère à la hauteur du cortège d’éloges qui la précède.
Alela Diane, c’est d’abord une voix. Une force de la nature, impudique, qui laisse aussi entrevoir sa vulnérabilité. Une fêlure. D’ailleurs, c’est surtout lorsqu’elle se brise, littéralement, en atteignant les plus hautes fréquences, qu’elle se révèle l’une des plus belles choses entendues depuis Feist ou Cat Power. Deux pointures avec lesquelles l’Américaine partage aussi une puissance émotive. Une charge. La capacité, en quelques notes, d’injecter des émotions brutes.
Portée par des arrangements folk épurés, principalement une guitare dont Diane s’est enseigné les subtilités en autodidacte, cette voix véhicule une part du grand mythe américain dans ce qu’il a d’intime et domestique, évoquant histoires de famille, paysages sylvestres du Nord californien, et la mémoire de petits drames d’une enfance rurale, vécue au carrefour de l’histoire et des grands espaces.
"Je viens de Nevada City, une ancienne capitale de la ruée vers l’or", raconte l’auteure du superbe album The Pirate’s Gospel dont elle vient d’enregistrer le successeur, à paraître sous peu. "Il y a tout au plus 3000 personnes qui vivent dans la région ici. Les édifices au village n’ont guère changé depuis 1850. Partout autour, c’est la forêt, la nature… une petite rivière où j’irai me baigner dans quelques minutes. Évidemment, il s’agit du décor de mes chansons qui naviguent dans cet univers-là, qui racontent mon enfance dans ce milieu."
Écrit alors qu’elle n’avait que 21 ans (elle en a aujourd’hui 25), le Pirate’s Gospel de Diane est de ces recueils fiévreux que seules les brûlures vives peuvent engendrer. Apprenant la séparation inattendue de ses parents alors qu’elle voyage loin de chez elle, la jeune Alela compose l’ensemble de ces chansons d’un seul jet ou presque, pour les enregistrer plus tard au studio de son père. "Ils se sont séparés, ont vendu la maison. Cela m’a plongée dans mes souvenirs d’enfance, avec l’idée que je n’avais plus de "chez-moi", plus de demeure familiale vers laquelle me tourner", relate-t-elle.
C’est donc en chansons que Diane se rebâtit une maison. Une construction faite main où elle expose les fondations de son art. Comme sur O My Mama, où elle évoque les encouragements de sa mère à utiliser le chant comme exutoire, à en embrasser la puissance. "Plus jeune, j’avais chanté dans une chorale, et chez moi, mes parents jouaient constamment de la musique. Il y avait très peu de disques, et je dirais que mes connaissances en la matière sont plutôt limitées. Par exemple, je viens tout juste de découvrir l’existence de Loudon Wainwright, il y a deux mois (le père de Rufus, une légende folk), et je n’arrivais pas à croire que j’avais pu ne pas le connaître jusque-là, c’est tellement bon", lance-t-elle candidement, laissant échapper un rire pur, cristallin. Comme un gloussement d’enfant.
"Maintenant, expose-t-elle, je suis plus consciente du pouvoir de ma voix. C’est elle qui me donne puissance, réconfort, qui me permet de canaliser les émotions, c’est en elle que je puise le courage de raconter ces histoires."
Le 2 août à 22h
Dans la cour du Séminaire de Québec
Dans le cadre de l’International de musique folk de Québec
Voir calendrier Folk/Country/Blues
À écouter si vous aimez/
Cat Power, Feist, Joni Mitchell, Joan Baez