Carla Bruni : Suite présidentielle
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Carla Bruni : Suite présidentielle

Mannequin devenue chanteuse et maintenant première dame de France, Carla Bruni lançait son troisième album, Comme si de rien n’était, le 15 juillet. Entrevue exclusive avec l’artiste derrière la femme du président.

Voir: Tout d’abord, votre nouveau disque s’intitule Comme si de rien n’était; j’aimerais savoir ce qui vous a inspiré ce titre.

Carla Bruni: "Ce titre correspond à celui d’une photographie de mon frère (Virginio Bruni Tedeschi) qui figure à l’intérieur de la pochette. Je lui ai un peu volé ce titre pour exprimer la manière dont on a voulu réaliser ce disque, c’est-à-dire comme si de rien n’était. C’est assez évocateur, mais ce n’est pas seulement en relation avec mon mariage et la position de mon mari, c’est aussi parce que j’ai toujours produit mes disques dans une espèce de refuge et de spontanéité, comme si de rien n’était."

Vous le dites à la blague, et c’est assez paradoxal, puisque justement, vous ne pouvez plus rien faire comme si de rien n’était…

"C’est-à-dire qu’il y a des choses qui échappent tout de même à la situation extérieure, et le disque en fait partie. Mais non, non, je peux vivre comme si de rien n’était. On vit tous comme si de rien n’était, au fond."

Qu’est-ce qu’il vous faut comme étincelle pour commencer un texte?

"La vie. Une émotion. Un sentiment lié à ma vie ou à celle des autres. C’est comme si j’écrivais toujours à propos de ma vie, mais mes chansons peuvent s’inspirer de quelqu’un dans la rue ou de vous. Finalement, c’est l’observation ou le ressenti qui me mènent à l’écriture."

Puisqu’on est dans l’univers des mots, la littérature vous inspire, vous reprenez d’ailleurs un texte de Michel Houellebecq sur votre album (La Possibilité d’une île).

"C’est un poème, en fait. La littérature me nourrit plus qu’elle m’inspire. La vie courante m’inspire. Mais c’est vrai que la littérature m’influence. J’ai d’ailleurs enregistré tout un album de poèmes (No Promises). J’aime l’idée de prendre un poème et de le mettre en musique comme l’ont fait les Léo Ferré, Jean Ferrat ou Serge Gainsbourg. Ça nous amène dans un autre univers, celui du poète."

Vous êtes visiblement fascinée par la langue française et ses possibilités. Pourtant, on a souvent tendance à l’oublier, ce n’est pas votre langue maternelle.

"C’est vrai, ce n’est pas ma langue maternelle, mais plutôt ma langue grand-maternelle, puisque ma grand-mère parlait français. Je lui étais très attachée, donc cette langue est entrée dans mon inconscient très tôt. Il m’arrive d’ailleurs très souvent de rêver en français, ce qui prouve chez moi le niveau primitif de cette langue, dans le sens de la racine. J’ai appris le français vers l’âge de 3 ou 4 ans. Ma grand-mère, qui a épousé un Italien, était de fait italienne, mais elle parlait un italien épouvantable. Elle s’adressait donc à nous en français. Je n’ai jamais eu de distance avec cette langue qui est entrée très tôt dans mon coeur. Et c’est la langue dans laquelle j’écris spontanément. J’essaie d’écrire en italien ou en anglais, ça me paraît séduisant, mais ça n’aboutit pas toujours. Le français est mon fil tendu pour l’écriture."

Plusieurs des chansons de l’album, comme Ma jeunesse, Salut marin ou Le Temps perdu, parlent d’une certaine nostalgie d’un temps révolu, de l’enfance. Êtes-vous de nature nostalgique?

"Oui, mais dans un sens joyeux. Il me semble que les souvenirs sont une bonne chose. Le présent et le futur sont plus ardus, mais le passé est toujours un peu édulcoré par le temps et la sagesse. Même les erreurs, à la lueur du passé, deviennent des expériences. En ce sens, le passé bonifie beaucoup l’existence."

Permettez-moi d’être un tout petit peu chauvin et de vous parler du Québec. À quoi pensez-vous en général lorsqu’on vous parle du Canada et du Québec?

"Quand je pense au Québec, je pense à un pays où je ne suis pas encore allée. Ça me manque. J’aurais adoré faire une tournée au Québec. J’ai rencontré beaucoup de Québécois lors de mes tournées de promotion et lorsque j’étais mannequin, et ils m’ont toujours rappelé le tempérament italien. On ne peut pas généraliser, mais j’ai l’impression que ce sont des personnes très faciles d’accès. Pour l’instant, le Québec représente donc un regret, parce que je n’ai pas eu l’occasion d’y aller, mais ça ne va pas tarder."

Carla Bruni
Comme si de rien n’était
(Audiogram/Select)

À écouter si vous aimez /
Françoise Hardy, Marianne Faithfull, Nico